- 1. Les États caspiens au centre des enjeux énergétiques
- 2. Le désenclavement de la Caspienne en matière d'énergie
- 3. La nouvelle Route de la soie : un programme transcontinental ambitieux
- 4. La Turquie, l'acteur principal du deuxième cercle
- 5. Les États-Unis et l'Union européenne : deux acteurs majeurs du troisième cercle
- 6. L'intérêt grandissant de la Chine pour le bassin caspien
- 7. Un rapprochement russo-iranien sur fond d'isolement international de l'Iran
- 8. Différentes approches de l'intégration postsoviétique
- 9. Bibliographie
CASPIENNE, géopolitique
La Turquie, l'acteur principal du deuxième cercle
La dissolution de l'URSS, les guerres du Golfe et l'isolement international de l'Iran ont changé la donne turque dans le vaste espace autour de la Caspienne. Depuis le début des années 1990, la Turquie est de retour avec l'ambition, en tant que leader et modèle pour le monde turc, de rassembler sous sa tutelle les pays turcophones nouvellement indépendants. Les résultats des premières années postsoviétiques ont été très prometteurs dans les domaines culturel et économique, mais moins sur le plan politique. Excepté le Kazakhstan, les nouveaux États ont abandonné la graphie cyrillique et adopté la graphie latine qui est à la base de l'alphabet turc. Même la république turcophone du Tatarstan, sujet de la fédération de Russie, a voulu suivre l'exemple de ses frères de langue, avant qu'une loi russe n'interdise en 2002 aux peuples de Russie tout changement d'alphabet. Par ailleurs, dans ses projets hégémoniques, Ankara essaie toujours d'éviter la confrontation directe avec Moscou, car le marché russe reste très lucratif. Avant la crise financière mondiale, les échanges bilatéraux russo-turcs se sont élevés à 35 milliards de dollars en 2008. De plus, Ankara est le deuxième acheteur du gaz russe.
La Turquie a mis en valeur son modèle (démocratisation relative de la société et libéralisation économique avec conservation de certaines valeurs islamiques) auprès des jeunes États en quête de nouveaux repères et de pôles d'attraction. Impatients de percevoir à court terme les retombées de cette collaboration, ces pays ont été vite déçus en s'apercevant que le modèle proposé d'un État musulman laïque avec une économie de marché ne leur était pas adapté. L'idée de créer une communauté des pays turcophones est également restée lettre morte. Excepté les Azéris, ethniquement et linguistiquement les plus proches des Turcs, les Kazakhs, les Turkmènes, les Ouzbeks et les Kirghizes sont loin de se sentir turcs. En outre, la constitution d'un continuum serait difficile à concrétiser du point de vue géographique, car l'Azerbaïdjan et l'Asie centrale sont séparés de la Turquie par les territoires de l'Arménie, de l'Iran et par la mer Caspienne. L'interventionnisme turc a également été modéré par le poids régional croissant de l'Ouzbékistan. Prétendant devenir l'État pivot de la région face au Kazakhstan sur les plans politique, économique et culturel, Tachkent a progressivement pris ses distances avec Ankara.
À cheval sur les deux continents et, de surcroît, membre de l'OTAN, la Turquie met en avant son positionnement géopolitique exceptionnel entre les mondes européen, russe, arabe, iranien afin que l'Occident mise davantage sur elle pour une intervention économique et politique dans la vaste région caspienne. Dans cette optique, elle tente, en 2008, de détendre ses relations avec l'Arménie, notamment par la « diplomatie du football ». Ce rapprochement a finalement achoppé sur la question du génocide arménien et sur le contentieux du Haut-Karabakh entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Dans la résolution de ce conflit au profit des Azéris, la Turquie et l'Azerbaïdjan ont vainement compté sur la solidarité des pays turcophones et du monde musulman. Les anciennes républiques centrasiatiques ont préféré ne pas envenimer leurs relations avec l'Arménie et la Russie qui, possédant une importante base militaire sur le sol arménien, a tout fait pour empêcher l'internationalisation de ce premier conflit ethnique armé de la perestroïka (1988).
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Écrit par
- Garik GALSTYAN : maître de conférences en civilisation russe et soviétique, université de Lille-III (U.F.R. des langues étrangères appliquées)
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