CASQUE D'OR, film de Jacques Becker

Nombre des films de Jacques Becker (1906-1960) sont passés à la postérité, qu'elle soit celle de la cinéphilie institutionnelle (Godard n'a jamais tari d'éloges sur Le Trou (1960), dont il a monté des extraits dans ses Histoire(s) du cinéma) ou celle du grand public (Ali Baba et les quarante voleurs, 1954, repasse toujours à la télévision). Ses films sur les « destins tragiques », Falbalas (1945) et Montparnasse 19 (1958), ont également leurs cercles de fans (on parlerait aujourd'hui de « films-culte »). Casque d'or, lui, réconcilie ces différents acteurs du succès et de la réputation d'un film. Peut-être est-ce à cause de son côté renoirien ? (il a été monté par Marguerite Renoir, et Becker fut lui-même l'assistant de Renoir). Ou bien parce qu'il illustre la faculté du cinéma de fixer pour toujours l'apparence de corps que la mémoire collective a retenu plutôt à d'autres stades de leur vie ? Ainsi la sensualité gourmande de Simone Signoret et la juvénilité de Serge Reggiani nous frappent parce que le plus grand nombre d'images d'eux ont été prises dans les années 1970, au faîte de leur notoriété médiatique. Inversement, Gaston Modot n'est plus le fringant garde champêtre deLa Règle du jeu...

La bande à Félix

Dans le Paris de Maupassant, de l'absinthe et des apaches, Roland « Belle Gueule » et ses sbires à fine moustache sortent leurs gourgandines en attendant que Félix, le grand patron, leur propose quelque mauvais coup. « On ne peut plus aller nulle part sans rencontrer des putains ! », se plaignent les clientes respectables des cafés où ils entrent... Tout irait pour le mieux, de parties de cartes en parties de campagne, d'attaques à main armée en petites combines, si Marie faisait ce qu'on lui dit de faire. Mais Marie, fleur de trottoir qui passe pour « la meilleure guincheuse de Belleville », refuse les avances de Félix et s'obstine à travailler sous la coupe de Roland alors même qu'elle le méprise. Mieux, la voici qui tombe amoureuse d'un brave charpentier, Manda, quelqu'un d'extérieur au « milieu »... L'attraction est réciproque, et Manda n'hésite pas à affronter Roland pour gagner le droit de partir avec Marie. Au cours de la rixe, cependant, Roland est tué, et le couple tout frais formé n'aura que quelques jours de bonheur à la campagne avant que Félix, espérant toujours conquérir Marie, ne provoque l'arrestation de Manda... Décidé à se venger, Manda s'évadera. Il réussira même à abattre Félix comme un chien, mais finira guillotiné sous les yeux mêmes de Marie.