CASQUE D'OR, film de Jacques Becker
Moments de grâce
On pense à Auguste Renoir, pour les guinguettes et le Déjeuner des canotiers (1881), et puis bien sûr à son fils Jean : Simone Signoret qui valse équivaut à Sylvia Bataille qui se balance dans Partie de campagne (1936). Toutes deux provoquent le désir de celui qui n'a d'yeux que pour elles, suivies par d'impeccables panoramiques. Et ce sont les mêmes berges de la Marne au soleil qui accueillent les ébats, la nature entière invitant à l'union des corps cependant qu'un invisible orchestre joue une mélodie grandiose et triste pour nous prévenir que le bonheur ne durera pas. On pense aussi à Max Ophüls (La Ronde, 1950 ou Le Plaisir, 1952) pour cette même célébration de l'élan amoureux et des petites félicités qu'il entraîne dans son sillage (regarder dormir l'être aimé).
Les métaphores, comme chez ces deux fameux cinéastes, sont utilisées avec élégance. On ne voit pas Marie se prostituer pour l'oisif Roland mais, dans la barque qui les promène sur la Marne, c'est elle qui rame... On entend bien la fermière qui héberge les deux amants affirmer que « ce n'est plus de son âge », mais elle mange goulûment les miettes de pain en les regardant sortir de leur chambre au matin... Marie attire Manda dans une église où se déroule une cérémonie de mariage, mais elle n'a pour se couvrir la tête qu'un châle sombre, qui la transforme déjà en veuve... L'éparpillement brouillon de ses longs cheveux sur l'oreiller, enfin, le temps d'un gros plan dont le léger flou est chargé de décrire l'émotion dans les yeux de Manda en train de la contempler, s'oppose à la coiffure sophistiquée qu'elle porte par ailleurs et qui donne son titre au film, pour nous montrer combien les quelques nuits à la campagne constituent un instant volé à un monde ultra-codifié (les corsets, la technique de la valse, les classes sociales...).
Pour clore ce drame, Jacques Becker a choisi la voie narrative que James Cameron empruntera cinquante ans plus tard dans son Titanic, autre chronique d'un amour aussi bref qu'intense : l'héroïne a vu de ses yeux mourir son homme idéal, mais elle préfère conserver de lui l'image de la valse qu'ils dansaient jadis, insouciants et ravis.
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Écrit par
- Laurent JULLIER : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média
Autres références
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REGGIANI SERGE (1922-2004)
- Écrit par Raymond CHIRAT
- 782 mots
Acteur et chanteur. Serge Reggiani est né le 2 mai 1922 à Reggio nell'Emilia, en Italie du Nord. En 1930, les violences fascistes contraignent sa famille à l'émigration et à l'installation définitive à Paris, où les parents tiennent un salon de coiffure. L'enfant s'adapte vite et bien. Bon élève, mais...