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CASSINI-HUYGENS (MISSION)

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Principales découvertes

La mission Cassini-Huygens a fourni une foule d’informations sur le système saturnien. Celles-ci concernent la distribution, l’origine et la composition des anneaux, la nature des satellites et leurs interactions avec les anneaux et la planète, l'enveloppe atmosphérique de Saturne et sa magnétosphère. En s’attachant à l’essentiel, on citera quelques-unes de ces données en montrant comment elles ont ouvert un nouveau chapitre dans l'exploration du système solaire et comment elles ont notamment contribué à démontrer l’existence de conditions favorables à la vie à une distance de quelque 10 ua de la Terre.

En route vers Saturne, Cassini a fait un survol de Jupiter en décembre 2000 et, en conjonction avec la mission Galileo déjà sur place, a effectué des observations de la magnétosphère et de l’atmosphère de la planète géante.

Saturne

Tempête sur Saturne - crédits : Space Science Institute/ JPL-Calltech/ NASA

Tempête sur Saturne

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Après son insertion en orbite autour de Saturne le 1er juillet 2004, Cassini a transmis de nombreuses observations systématiques concernant la structure de l’atmosphère de cette planète, essentiellement constituée d’hydrogène et d’hélium : une détermination beaucoup plus précise de la température et de la composition chimique (avec à la clé la détection de nouvelles molécules) et des effets saisonniers sur une demi-année – l’année étant le temps d’une orbite complète autour du Soleil, soit 29,5 ans environ pour cette deuxième plus grosse planète du système solaire (Jupiter étant la première). Cassini y a observé, entre autres, une énorme tempête avec un ensemble de nuages de forme hexagonale au pôle nord, des éclairs (dont la puissance serait 1 000 fois supérieure à ceux existant sur Terre) et les effets du vent solaire sur cette atmosphère. Cassini a aussi soulevé de nouvelles questions sur certains autres aspects (la période sidérale de rotation de Saturne, par exemple).

Anneaux et petits satellites de glace

Entourée de son système d'anneaux, le plus abouti dans le système solaire, Saturne est facilement reconnaissable dans le ciel. Ces anneaux, d’une épaisseur moyenne d’une vingtaine de mètres environ, s'étendent de 6 630 à 120 700 kilomètres au-dessus de l'équateur de cette planète. Ils sont constitués de 93 % de glace d'eau, de près de 7 % de carbone amorphe et d’une poignée d'impuretés de composés organiques. Du plus proche de Saturne au plus éloigné, les anneaux sont appelés D, C, B, A, F, G et E. Le fait qu’ils soient encore brillants et peu épais suggère qu’ils sont jeunes. Les sillons creusés entre les anneaux ont été attribués dans la plupart des cas à la présence de petits satellites non connus auparavant. Les données de Cassini acquises lors des dernières orbites permettent de montrer qu’ils ont été créés il y a moins de 100 millions d'années et qu’il leur reste encore à peu près le même temps d’existence.

Une dizaine de nouvelles petites lunes ont donc été découvertes par cette mission, portant alors leur nombre à plus de 62. Depuis, le nombre total des satellites de Saturne détectés ou candidats est d’environ 150 (données de 2024), à la suite des observations effectuées aussi depuis la Terre. Leur existence est déduite des perturbations qu’ils provoquent dans le système des anneaux.

Prométhée et les anneaux de Saturne - crédits : Space Science Institute/ JPL/ NASA

Prométhée et les anneaux de Saturne

Les nouvelles informations obtenues par Cassini sur les interactions et les échanges de matière entre les anneaux et les satellites saturniens constituent une percée significative dans notre compréhension du système saturnien et de la formation de ces objets.

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Cassini a aussi démontré que ces satellites naturels, formant un système complexe autour de Saturne, sont loin d’être des petits corps glacés inertes. En effet, ils présentent des caractéristiques de resurfaçage (épanchements en surface de matériaux provenant de l’intérieur de ces corps) et de cryovolcanisme (au lieu de la lave, les volcans éjectent de l’eau, du méthane, de l’ammoniac ou d’autres éléments volatils) qui impliquent que ces surfaces sont jeunes et que les satellites sont bien actifs intérieurement – ou l’ont été, dans un passé récent. Cassini a exploré leurs paysages glacials, dévoilant de nombreux détails, résolvant des mystères de longue date (par exemple, la composition de leur surface ou leur source d’énergie) et révélant de nouvelles surprises : Japet, en plus de ses deux côtés d'une luminosité bien différente, possède une énorme crête d’une hauteur de vingt kilomètres s’étendant le long de son équateur ; Rhéa, plus lisse en surface, possède ses propres petits anneaux ; Hypérion, à l'aspect spongieux, est si poreux que les impacts ont laissé de nombreuses traces profondes sur sa surface.

En plus des investigations des différentes surfaces, les instruments de Cassini ont également détecté la présence de composés organiques (hydrocarbures principalement) dans les atmosphères de plusieurs satellites de Saturne (Titan, Encelade, Japet, Phœbé et Dioné).

Titan et Encelade

Les recherches combinées de Cassini et de Huygens dans le cas de Titan, mais aussi les survols très proches d'Encelade par l’orbiteur ont fait de ces deux satellites les « stars » de la mission. Ainsi, Titan, avec son épaisse atmosphère d’azote et de méthane (où se forment des composés organiques) et sa surface recouverte de motifs variés (montagnes, dunes, rivières et lacs d’hydrocarbures liquides), est un laboratoire à échelle planétaire pour étudier une chimie et des processus physiques semblables à ceux de notre planète, mais avec des conditions de température et de pression, ainsi que des matériaux, différents. De plus, les mesures de Cassini-Huygens ont indiqué la présence très probable d’un océan d’eau liquide sous la surface de Titan.

Il en est de même pour Encelade. Avec ses énormes panaches éruptifs de particules glacées, ce petit satellite possède une intense activité géologique de cryovolcanisme qui suggère la présence d’eau liquide sous la surface. De plus, l’atmosphère formée à partir de ces éjections contient des composés organiques. Ces deux satellites sont des objets uniques que la mission Cassini-Huygens a révélés et constituent des cibles privilégiées pour de futures explorations.

Titan

Titan est un paradis organique qui devrait pouvoir nous éclairer sur l'évolution chimique menant à la vie dans des conditions plus sombres et plus froides. Sous l’influence du flux solaire et des particules cosmiques, les principaux constituants atmosphériques – le diazote et le méthane – évoluent chimiquement dans la haute atmosphère et produisent des composés organiques complexes (essentiellement des hydrocarbures comme l’éthane, l’acétylène et le propane, ou des nitriles comme l’acide cyanhydrique) qui se diffusent à travers l’atmosphère, se condensent et viennent se déposer à la surface de ce satellite. Les mesures effectuées par différents instruments de Cassini et de Huygens (INMS, UVIS, CIRS, ACP et GCMS pour l’essentiel) ont ainsi permis de détecter ces nombreux gaz d'hydrocarbures et de dès les plus hautes altitudes nitriles, mais aussi quelques traces de vapeur d’eau, de dioxyde et monoxyde de carbone, ainsi qu’une stratification complexe d'aérosols organiques (avec plusieurs couches de nuages et de brume diffuse) qui persiste jusqu'à la surface de Titan. Aucun autre endroit dans le système solaire ne possède ce type de chimie.

Nuages et tempêtes sur Titan - crédits : Space Science Institute/ JPL/ NASA

Nuages et tempêtes sur Titan

Les caméras et les spectromètres de Cassini ainsi que les instruments de Huygens ont aussi montré la formation de nuages et de tempêtes dans l'atmosphère de Titan.

La surface de Titan s’est révélée plus complexe que prévu, avec des motifs qui ressemblent aux paysages terrestres, mais tous élaborés à partir de composants différents, dont des mélanges de glaces et de matière organique. Alors que Cassini a fourni des données sur des portions étendues de la surface de Titan grâce à ses caméras, ses spectromètres et son radar, la sonde Huygens, en pénétrant dans l'atmosphère le 14 janvier 2005, a renvoyé des images beaucoup plus détaillées du sol avec des résolutions allant de 10 mètres à 10 kilomètres selon l’altitude des prises de mesures. L'instrument HASI a mesuré la densité, la pression et la température sur la surface de Titan au niveau du site de l’atterrissage, donnant respectivement pour ces deux dernières unités une valeur de 1,5 atmosphère et 93,7 kelvins (K) soit –180 °C. Il a aussi révélé la présence de méthane liquide – détecté par son évaporation au contact de la sonde, plus chaude que la surface.

Surface de Titan - crédits : University of Arizona/ ESA/ JPL/ NASA

Surface de Titan

Surface de Titan vue par la sonde Huygens - crédits : University of Arizona/ NASA/ ESA

Surface de Titan vue par la sonde Huygens

Les observations de Cassini suggèrent que les précipitations d'aérosols à travers l’atmosphère et le dépôt de matière organique à la surface sont responsables de nombreux motifs dont les vallées, les réseaux de canaux, les lacs et mers au pôle nord, les rivières et autres motifs d'érosion et de sédimentation comme les dunes.

Pôle nord de Titan vu par l’orbiteur Cassini - crédits : USGS/ JPL/ NASA

Pôle nord de Titan vu par l’orbiteur Cassini

De plus, Cassini a apporté la première preuve de la présence de lacs d'hydrocarbures près du pôle nord de Titan, d’abord par des images en 2005, puis l'a confirmée par l’observation de la réflexion spéculaire (non diffuse) du liquide en janvier 2007. En effet, les étendues très sombres vues par le radar dans les hautes latitudes septentrionales de Titan se sont finalement révélées être des bassins remplis d’un liquide riche en méthane et éthane formant des lacs et des mers. Titan est le seul endroit connu, en dehors de la Terre, à posséder des étendues liquides visibles en surface. Ces lacs, dont la superficie varie de moins de 10 à plus de 100 000 kilomètres carrés, sont concentrés dans la région polaire, vers 55 degrés de latitude nord, mais ne recouvrent que 3 % environ de la surface totale de Titan. De rares petits lacs existent toutefois vers l’équateur et le pôle sud, comme le lac Ontario (plus de 230 km de longueur, avec une superficie de l'ordre de 20 000 km2), appelé ainsi car ayant des dimensions et une forme rappelant celles du lac du même nom situé en Amérique du Nord.

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Les dunes observées sont remarquables dans le sens où elles ont exactement la même taille et la même forme que les dunes linéaires (longitudinales) sur Terre, comme celles que l'on trouve dans les déserts namibiens et sahariens. Ce type de dunes se forme dans un régime de vent fluctuant qui, sur Titan, pourrait être le résultat d’effets de marées provoquées par la gravitation de Saturne agissant sur l'orbite excentrique de Titan et affectant son atmosphère.

Peu de cratères d’impacts ont été observés sur Titan, suggérant une surface jeune refaçonnée régulièrement par des processus géologiques actifs externes (dépôts de composés organiques provenant de l’atmosphère) et internes (dégazage, cryovolcanisme, tectonique) comme en témoignent aussi les quelques chaînes de montagnes et des pics ou dômes ressemblant à des volcans sur les images prises par Cassini.

La densité globale de Titan (1,88 g/cm3) implique des proportions de roche et de glace à peu près égales. Les modèles qui satisfont les observations de rotation et de la surface du satellite suggèrent que Titan pourrait posséder une croûte de roches et d’eau glacée, de 50 à 150 kilomètres d'épaisseur, qui recouvre un océan d’eau liquide d’une profondeur de quelques centaines de kilomètres – avec une quantité d'ammoniac (de l’ordre de 10 à 30 %) dissous agissant comme un antigel –, en dessous duquel se trouverait une couche de glace à haute pression.

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Grâce à cette mission, les échanges entre l’atmosphère, la surface et l’intérieur de Titan sont mieux connus, mais il subsiste des questions concernant l’origine et la composition de l’atmosphère du satellite. Bien que des instruments de la mission aient fourni des informations importantes sur sa formation et son évolution en mesurant les gaz nobles (tels que l'argon détecté pour la première fois) et leurs abondances isotopiques, tout n’est pas encore connu. Aussi, le méthane, qui reproduit sur Titan un cycle similaire à celui de l’eau sur Terre, aurait dû disparaître au bout de quelque 50 millions d’années, car il est photodissocié et recombiné avec l’azote pour former des composés organiques dans la haute atmosphère. Pour expliquer encore sa présence, l’idée d’un dégazage cryovolcanique a été avancée, celui-ci venant alimenter l’atmosphère en méthane provenant alors de l’intérieur du satellite, mais les échelles de temps et les processus associés restent encore largement inconnus. La possibilité de réactions chimiques entre les composés organiques et la glace d'eau qui existe à la surface de Titan suscite un intérêt particulier pour la chimie prébiotique (permettant l’émergence de la vie). La composition exacte de la surface du satellite reste encore inconnue et fera l’objet d’une future investigation.

Cassini-Huygens a montré que les caractéristiques de l’atmosphère et de la surface de Titan ressemblent plus à celles de la Terre que celles de Vénus ou de Mars. Le satellite pourrait donc bien être le meilleur analogue d'une planète terrestre, bien que très éloigné du Soleil et doté de matériaux différents.

Encelade

Encelade - crédits : Space Science Institute/ JPL/ NASA

Encelade

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Lorsque Cassini a survolé la première fois Encelade, le 17 février 2005, le magnétomètre a enregistré une flexion dans le champ magnétique de Saturne, le plasma étant ralenti et dévié lors de son passage près d'Encelade. Les données recueillies par le CDA lors du survol du 9 mars 2005 ont fourni une preuve supplémentaire de l'existence d'une atmosphère autour du pôle sud d'Encelade en détectant des impacts de poussière et de glace provenant d'un nuage formé à cet endroit. Cassini a aussi démontré qu'Encelade est géologiquement actif lorsque ses instruments ont détecté des panaches de gaz et de particules de glace émanant d'une série de fractures chaudes centrées sur le pôle sud et surnommées les « griffes du tigre ».

Les informations obtenues par Cassini ont montré que des réservoirs d'eau liquide sous la surface d’Encelade alimentent ces panaches, à l’instar des geysers sur Terre. En mars 2008, Cassini a balayé le pôle sud d'Encelade en plongeant à une altitude de 50 kilomètres dans un des panaches afin de connaître la composition des gaz et particules qui s’en échappent. Le spectromètre de masse INMS a ainsi détecté, mélangés à la vapeur d’eau qui est le constituant majeur, du dioxyde de carbone, de l’ammoniac, du méthane et de l’hydrogène.

Encelade est sans doute un astre du système solaire potentiellement habitable, c’est-à-dire abritant de l’eau liquide sous sa surface, des nutriments et des sources d’énergie issues du réchauffement par effets de marée, le cryovolcanisme et la tectonique des glaces. De plus, la région des panaches sur Encelade suppose un environnement chaud, chimiquement riche, qui peut favoriser la formation de composés organiques complexes et engendrer des processus biologiques.

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Plusieurs études indiquent que les panaches d'Encelade, les processus tectoniques ainsi que l'océan liquide présent sous la surface pourraient créer un cycle géochimique complet et durable susceptible de soutenir la vie. Alors que d'autres satellites du système solaire possèdent des océans d'eau liquide couverts par des kilomètres de croûte de glace (Titan ou Ganymède par exemple), sur Encelade, comme sur le satellite Europe de Jupiter, les poches d'eau liquide peuvent se trouver seulement à quelques dizaines de mètres sous la surface et en contact avec les silicates du cœur pour créer les conditions des sources hydrothermales qui ont été propices à l’apparition de la vie sur Terre. Cassini a ainsi découvert un nouvel habitat potentiel dans notre système solaire, en dehors de la zone habitable traditionnelle.

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Écrit par

  • : docteure en astrophysique et techniques spatiales, directrice de recherche de classe exceptionnelle au CNRS, laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (LESIA), Observatoire de Paris-PSL

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Médias

Trajectoire du vaisseau spatial Cassini avant d’atteindre Saturne - crédits : Encyclopædia Universalis France

Trajectoire du vaisseau spatial Cassini avant d’atteindre Saturne

Vaisseau spatial Cassini - crédits : Nasa/ JPL ; traduction : EUF

Vaisseau spatial Cassini

Tempête sur Saturne - crédits : Space Science Institute/ JPL-Calltech/ NASA

Tempête sur Saturne

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