CASTES
Les « classes » (varṇa)
Les quatre classes sont celles des brāhmaṇa, kṣatriya, vaiśya et śūdra. Elles sont définies dans les textes dits Dharmaśāstra, « Traités de la disposition naturelle des choses », qui décrivent l'ordre du monde et les lois de la société et sont encore appelés Smṛti, « Tradition ». Mais leur conception est déjà attestée dans le plus ancien des textes indiens, le Rgveda (X, 90, 12), qui les fait correspondre aux diverses parties du corps de l'Homme cosmique et s'exprime ainsi : « Le brahmane fut sa bouche ; le royal (rājanya, équivalent de kṣatriya) a été fait ses bras ; ce qui est ses cuisses, c'est le vaiśya ; de ses pieds le śūdra est né. »
Les Dharmaśāstra enseignent la même origine mythique des classes et le principal d'entre eux, celui de Manu, définit ainsi leurs activités (karman) (I, 88-91), les distinguant exclusivement d'après leurs rôles généraux dans la société : « L'Être suprême a conçu pour les brahmanes : l'enseignement, l'étude, l'accomplissement du sacrifice, la direction du sacrifice, la libéralité et l'acceptation (de la libéralité, acceptation qui rend fructueux en mérite le don du donateur) ; pour le kṣatriya : la protection des créatures, la libéralité, l'oblation cultuelle, l'étude et le désintéressement des objets des sens ; pour le vaiśya : la protection des bestiaux, la libéralité, l'oblation cultuelle, l'étude, le commerce, le prêt à intérêt et l'agriculture. Mais, pour le śūdra, le Seigneur a désigné une seule activité : l'obéissance à ces classes, avec absence d'envie.
Brāhmaṇa
Manu ajoute que les brahmanes sont les premiers, puisqu'ils sont nés de la bouche, partie du corps la plus pure (ou apte à l'œuvre rituelle, medhya). Les plus éminents parmi les brahmanes sont ceux qui sont savants, parmi les savants ceux qui ont une conscience accomplie, parmi ceux qui ont une conscience accomplie ceux qui agissent, parmi ceux qui agissent ceux qui connaissent le Brahman (I, 97).
C'est donc le primat de la connaissance qui, à côté de son origine mythique, fonde effectivement la prééminence du brahmane. La fonction sacerdotale du brahmane vient en second lieu ; elle dérive de sa science. Le prêtre védique appelé brāhmane n'officie pas, mais surveille les cérémonies comme expert, intervient en cas de fautes. L'appartenance des divers autres prêtres à telle ou telle classe sociale n'est pas précisée dans les textes védiques, bien que probablement les principaux au moins aient appartenu à la classe brahmanique. De toute façon, la profession de prêtre n'est pas nécessairement l'occupation des brahmanes. Le chapelain royal, ou purohita, a été ordinairement un brahmane, mais il était possible qu'un kṣatriya ou rājanya, de la classe guerrière, prenne les fonctions de purohita. Réciproquement l'Antiquité connut un pays dit Brāhmaṇaka, qui appartenait à des brahmanes guerriers (Pāṇini, V, 2, 71) ; et Alexandre s'empara d'une ville de brahmanes guerriers au Panjāb. D'après le Mahābhārata, l'art militaire (dhanurveda) a été enseigné par le brahmane Droṇa (car le brahmane est essentiellement le détenteur de la connaissance). À travers toute l'histoire, des brahmanes devinrent rois ou guerriers, à l'époque moderne chez les Marathes notamment ; de même dans les armées indiennes d'aujourd'hui. Dans la pratique de la religion hindoue jusqu'à nos jours, non seulement tous les brahmanes ne sont pas prêtres, mais encore tous les prêtres ne sont pas brahmanes. Les usages varient à cet égard. Ceux des brahmanes qui exercent la profession d'officiants de temples sont loin d'être considérés comme du rang le plus élevé dans leur classe. L'ascendance des familles brahmaniques, la lignée ([...]
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Écrit par
- Jean FILLIOZAT : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France
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