CATALOGNE
La littérature catalane
La féodalité et ses formes d'expression
Les couches cultivées de la société féodale ont produit et consommé, en Catalogne comme partout ailleurs en Occident, une littérature en langue latine. Elles n'ont utilisé la langue quotidienne, la seule comprise par la grande masse de la population, que lorsqu'elles ont éprouvé le besoin de mettre à la portée de cette masse les idées et les lois qui devaient la gouverner. C'est ainsi que, dès le ixe siècle, il a dû exister une prédication en catalan primitif de l'époque, mais, à cause de son caractère utilitaire, elle n'a jamais été écrite ou, si elle l'a été, elle n'est pas parvenue jusqu'à nous. En fait, le premier texte de ce genre qui nous ait été conservé, les Homilies d'Organyà, est considérablement postérieur, de la fin du xiie siècle ou du début du xiiie. Il a dû y avoir également, depuis des temps très reculés, des traductions en langue vulgaire de certains textes juridiques. Le Forumjudicum, par exemple, fut mis en un catalan assez bien construit vers la première moitié du xiie siècle ; les Usatici, un siècle plus tard. D'ailleurs, dès les origines de la langue, la population a dû chanter des chansons et conter des légendes sur des sujets divers, dans les circonstances les plus variées de la vie de tous les jours ; elle a dû écouter, sur les places et dans les rues, les narrations que composaient et récitaient les jongleurs. Cette littérature orale s'est perdue. Depuis le deuxième tiers du xie siècle toutefois, il existait déjà une littérature savante et profane dans une langue vulgaire qui n'était pas celle qu'on employait dans la vie courante, mais une autre qui jouissait déjà ou devait bientôt jouir d'un très grand prestige : le provençal des troubadours. On suppose que la Chansó de Santa Fe fut écrite par un anonyme catalan de Saint-Michel-de-Cuxa ou de Saint-Martin-du-Canigou, vers 1054-1076. Depuis le milieu du xiie siècle et jusqu'au milieu du xiiie, la production de toute une constellation de poètes catalans a constitué un apport original à la poésie des troubadours. Une grande partie de ces poètes, Guilhem de Berguedà et le roi Alphonse le Chaste par exemple, ont adopté les attitudes et les techniques du trobar leu ; d'autres, tels que Cerverí de Girona, les ont fait alterner avec celles, plus précieuses, du trobar ric. La poésie narrative des auteurs cultivés, celle de Ramón Vidal de Besalú ou celle du Jaufré anonyme, fut également écrite en provençal et selon les règles des troubadours et de l'amour courtois.
Chevaliers et bourgeois
Vers la seconde moitié du xiiie siècle, une nouvelle classe, la bourgeoisie, qui était née à la faveur de la crise de la féodalité et de l'expansion progressive de ce qu'on a appelé la révolution mercantile, acquit une influence qui se fit de plus en plus décisive sur la marche du pays. Elle a remis en question les formes culturelles et linguistiques en vigueur jusqu'alors. Le latin a commencé à perdre du terrain en tant que langue unique de culture dans les milieux dirigeants ; en même temps s'est produite une division que nous pourrions schématiser ainsi : la poésie lyrique, encore très liée à la noblesse, demeure fidèle à l'orthodoxie des troubadours ; la prose, adressée à un public plus vaste, élabore des formes d'expression qui lui sont propres. Ainsi, les théoriciens et les poètes de la fin du xiiie siècle et d'une bonne partie du xive ont écrit dans un provençal plus ou moins correct et ont insisté sur les attitudes et les techniques des troubadours classiques ou, tout au moins, de leurs épigones de l'école de Toulouse. Il faut signaler les vers moraux du curé de Bolquera, ramassés et dramatiques, et quelques recréations savantes sur des thèmes populaires[...]
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Écrit par
- Mathilde BENSOUSSAN : professeur honoraire à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne
- Christian CAMPS : professeur des Universités, professeur à l'université de Montpellier-III-Paul-Valéry, directeur du Centre Du Guesclin à Béziers
- John COROMINAS : professeur à l'université de Chicago
- Marcel DURLIAT : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail
- Robert FERRAS : agrégé de géographie, docteur ès lettres, professeur des Universités
- Jean MOLAS : docteur ès lettres, professeur aux Estudis universitaris catalans
- Jean-Paul VOLLE : professeur agrégé des Universités, professeur à l'université de Montpellier-III-Paul-Valéry
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