CATASTROPHES
La prise de risque
La prise de risque suppose une bonne perception du risque et s'appuie sur la fiabilité, ou non, de la prévision de tel ou tel événement. L'avis du scientifique est toujours sollicité mais non déterminant, car d'autres critères, en particulier économiques, influent sur les prises de décision des autorités responsables.
Les prises de risque individuelles peuvent être d'ordre sociologique (alcoolisme, tabagisme, accidents de la route, etc.), et correspondent à des réalités personnelles. Mais d'autres sont directement liées à l'obligation de survie, notamment dans les régions particulièrement pauvres. Les cendres déposées après une éruption volcanique explosive ou les limons amenés par de redoutables inondations constituent les terres les plus fertiles : les populations reviennent s'installer après les désastres, malgré une bonne perception des risques encourus. Le Bangladesh, pays de mousson, est situé au pied des montagnes les plus hautes du monde (forte hydrographie) et au ras de l'eau. À chaque arrivée de cyclone (1,5 par an), la montée des eaux marines, due aux baisses de pression atmosphérique, et les précipitations inondent de 20 à 60 p. 100 de ce pays, provoquant des dizaines de milliers de victimes. Dès qu'une nouvelle île naît du delta après une inondation, des familles s'y installent, en attendant d'être balayées par un prochain cataclysme. Ont-elles le choix ?
Les prises de risque collectives, concernant essentiellement les risques majeurs, ne s'embarrassent que très inégalement de l'opinion publique. Dans le cas des séismes, si la perception du risque est bien réelle, la prévision de ces événements est quasi nulle. Pour la plupart, on connaît les zones où ils risquent de se produire, mais on ne peut pas dire quand. La seule approche fiable s'établit sur les grandes failles tectoniques le long desquelles les portions où il ne s'est pas produit encore de séisme, c'est-à-dire là où les contraintes accumulées par les confrontations des plaques lithosphériques ne se sont pas encore libérées, sont les plus menacées sismiquement. San Francisco (plus de 7 millions d'habitants pour la métropole formée avec Oakland et San José) est établie sur la faille de San Andreas, la plus surveillée au monde. Imaginons que les scientifiques parviennent à prévoir la survenue d'un séisme avec une fourchette de ± 3 jours. On évalue (cf. C. Allègre, Les Fureurs de la Terre, 1987) le coût d'une évacuation totale – arrêt de travail, évacuation, encadrement, logistique, etc. – à 2 milliards de dollars par jour. Les autorités sont aujourd'hui formelles : on n'évacue pas, le coût économique est trop élevé. Autre exemple et autre lieu : Haicheng, en Chine. En janvier et début février 1975, plusieurs signes (variations du champ magnétique, du niveau de l'eau des puits, comportements étranges des animaux, etc.) incitent les sismologues à alerter les autorités de l'imminence d'un séisme. Celui-ci eut lieu dans la nuit du 4 au 5 février et détruisit la ville de Haicheng : aucune victime ne fut à déplorer, car 3 millions de personnes avaient été évacuées deux jours plus tôt. Dix-huit mois plus tard, à 300 km à l'ouest de Haicheng, un séisme, que ni les poules, ni les poissons rouges, ni les sismologues n'avaient pressenti, fit de 300 000 à 1 million de morts (selon les sources). On voit bien les différences qui déterminent la prise de risque entre ces deux grandes nations que sont les États-Unis et la Chine : San Francisco est largement construite en parasismique (on estime cependant qu'il y aurait quelques dizaines de milliers de morts en cas de Big One) et le coût est essentiellement économique dû aux cessations d'activité et à l'évacuation ; en Chine les pertes humaines[...]
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Écrit par
- Yves GAUTIER
: docteur en sciences de la Terre, concepteur de la collection
La Science au présent à la demande et sous la direction d'Encyclopædia Universalis, rédacteur en chef de 1997 à 2015
Classification
Médias
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