CATHARES
La doctrine
Quelle que soit leur obédience, les cathares nient tous la Trinité, faisant du Père une personne supérieure au Fils et au Saint-Esprit. De même, ils croient à l'existence de deux règnes. Chaque dieu a son royaume : l'un invisible, spirituel, lumineux, excluant le mal ; l'autre visible, matériel, ignorant le bien, fait de souillures et de perversité. Toutefois, les uns, absolus, de l'ordre de Dragovitza, supposent un drame cosmique : Lucifer, fils du Dieu des ténèbres, sortant de son royaume, aurait envahi la cour céleste pour y séduire les anges, et le Père l'aurait expulsé des cieux, ainsi que sa cohorte et les anges rebelles. Les autres, mitigés, de l'ordre de Bulgarie, présument la rébellion satanique dans l'empyrée même et attribuent à Satan la fonction de démiurge, que Dieu, répondant à ses supplications, lui aurait accordée. De toute façon, les âmes déchues sont tombées sur une terre étrangère, où le principe mauvais les a emprisonnées dans des corps : elles sont les véritables brebis perdues de la maison d'Israël. Il en résulte que les cathares nient la résurrection et le purgatoire. L'âme se doit d'expier sa faute en des corps successifs, jusqu'au jour où celui qui la retient accepte de se purifier par le consolamentum. La croyance en la métempsycose, prônée à Desenzano, ne se rencontre guère au début en Languedoc. Elle est surtout mentionnée par les hérésiologues – Alain de Lille, Moneta de Crémone, Sacconi –, mais très peu dans les aveux. Entre 1230 et 1240, Pierre de Mazerolles, tout à fait surpris de l'apprendre, refuse d'y croire ; à la mort du charpentier Guillaume Aribaud (1272), de Toulouse, une femme en fait cas ; elle apparaît dans une déposition tardive (1305-1306), et prospère en Ariège dans la légende multiple du paysan qui retrouve le fer à cheval perdu lors d'une précédente incarnation animale. Dès lors, elle alimente la conversation de ces esprits frustes, réunis à la veillée au coin du feu.
À la coexistence des deux principes essentiellement irréductibles, la doctrine cathare joint un docétisme qui nie l'authenticité humaine du Christ, son incarnation annoncée par les prophètes dans une chair mortelle, celle de la Vierge, issue de la race de David. La Vierge elle-même est un ange dont la réalité est uniquement spirituelle. Le Christ n'a subi aucune servitude corporelle, n'est ni mort, ni ressuscité du tombeau, sauf d'une manière putative.
Tous les cathares condamnent Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, les Pères de la Bible ainsi que Jean-Baptiste, comme ennemis de Dieu et ministres du diable, lequel est l'auteur de l'Ancien Testament. Néanmoins, ils acceptent Job, le Psautier, les Sapientiaux, les prophètes, comme on le voit dans le Traité cathare, combattu par le Contra Manicheos du Vaudois converti Durand de Huesca. Condamner ou répudier ne signifie point ignorer. En fait, les cathares possèdent une science scripturaire complète. La Bible entière est leur livre de chevet, avec une prédilection pour l'Évangile de Jean. Authentiquement orthodoxes, leurs citations révèlent, par leur contexte, une interprétation souvent erronée, axée sur leurs opinions particulières, au point que Durand de Huesca traite ces dualistes de perversores scripturarum.
Pour eux, ce monde n'aura pas de fin et le Jugement futur, ayant déjà eu lieu, ne se renouvellera pas. L'enfer est en ce monde, non ailleurs. Telles sont les opinions générales des cathares de 1200 à 1230, avant le schisme de Jean de Lugio chez les Albanenses.
Sans commenter la doctrine de cet hérésiarque exprimée dans le Livre des deux principes, il faut cependant noter ses idées strictement personnelles sur la création. « Créer, c'est ajouter à du préexistant à partir d'une matière preiacente et non produite ex nihilo[...]
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Écrit par
- Christine THOUZELLIER : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
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