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CATHARES

Décadence du catharisme

Le catharisme du xive siècle, on l'a déjà vu à certains indices, n'est plus celui, dynamique et vigoureux, du xiie siècle et de la première moitié du xiiie. Il est à ce point dégénéré qu'il en a perdu toute qualification. En Languedoc, l'armée des croisés a pu descendre dans le Midi, ravager le pays, sans que la foi des croyants ait tant soit peu faibli : le glaive n'a pas alors vaincu l'esprit. Pendant toute cette période, de véritables liens de soutien et de réconfort se sont noués entre fidèles des villes et des campagnes, citadins et ruraux, bourgeois, milites et paysans. Que surviennent l'Inquisition (1233) et la chute de Montségur (1244), les dignitaires traqués, poursuivis, ne peuvent plus compter sur l'appui des petits seigneurs qui les accueillaient dans leurs châteaux. Cachés dans les bois, à l'abri de cabanes provisoires, les survivants n'entrevoient plus de solution que l'exil, aux dépens de leurs fidèles privés de leur enseignement.

Cathares expulsés de Carcassonne, 1209 - crédits : British Library/ AKG-images

Cathares expulsés de Carcassonne, 1209

Depuis la mort de Raymond VII, comte de Toulouse (1249), suivie vingt ans après par celle de son gendre et successeur Alphonse de Poitiers (1271), les conditions politiques ont totalement changé : le pays a été intégré au royaume de France, la noblesse s'est ralliée à l'Église et à la royauté. Malgré les soulèvements des populations contre les inquisiteurs à Toulouse, Narbonne (1235), Avignon, Carcassonne, Albi et ailleurs, les Églises, désarticulées, ne peuvent plus se reconstituer. Seul subsiste, au-delà des Monts, l'évêché de Toulouse, transféré en Lombardie, à Vérone, et que dirigent successivement Vivien († 1270/1271), puis Bernard Oliba. L'exode déjà commencé s'accentue. Touchants de fidélité et de persévérance, les sympathisants vont en Lombardie s'instruire et recevoir le consolamentum, pour aider, une fois de retour, leurs coreligionnaires : ce sera le cas de Pierre Autier, au tournant du xiiie et du xive siècle. Mais, tout au long de la seconde moitié du xiiie, les esprits ont perdu le contact régulier avec leurs maîtres à penser. Il suffit pour s'en convaincre d'explorer les registres d'inquisition et de constater à travers les aveux, malgré la permanence du rite, la dégénérescence progressive et flagrante de la doctrine cathare.

Il n'est pas rare d'entendre les croyants, n'ayant aucun respect pour l'eucharistie, dire : « Si le corps du Christ était aussi grand qu'une montagne, il y a longtemps qu'il aurait été mangé ». Ce propos est d'un marchand du diocèse de Rodez, Durand de Rouffiac de Olmeira (Aveyron), qui l'émet en 1263 et le réitère par la suite. Un paysan de la région de Montauban, Bernard de Soulac, formule le même raisonnement en 1270 et ajoute, par comparaison : « Une montagne grande comme le mont Pinhar. » D'autre complètent : « Si le corps du Christ reçu dans l'hostie était Dieu, il y a cent ans que Dieu aurait été absorbé. » Bernard de Soulac conclut : « L'hostie, c'est de la pâte cuite » (1276). Pour un enfant d'Esplas de Sérou (Ariège), « elle ressemble à une tranche de rave ».

Durand de Rouffiac avoue à l'inquisiteur Ranulphe de Plassac en 1273 que « l'âme n'est rien d'autre que le sang dans le corps ». Il l'aurait même dit en plaisantant sur la place du marché, vers 1268. Peut-être tient-il cette idée d'un sermon sur la Bible, où Dieu interdit à Noë de consommer la chair avec « son âme », c'est-à-dire son sang, et renouvelle cet interdit à Moïse et à son peuple, car « l'âme de toute chair est son sang ». Vers 1300, en Ariège, Guillemette Benet d'Ornolac et Raimond d'Aire de Tignac soutiennent, de même, que l'âme humaine n'est rien d'autre que le sang qui vivifie le corps.[...]

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Églises cathares aux XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles - crédits : Encyclopædia Universalis France

Églises cathares aux XIIe et XIIIe siècles

Cathares expulsés de Carcassonne, 1209 - crédits : British Library/ AKG-images

Cathares expulsés de Carcassonne, 1209

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