LAON CATHÉDRALE DE
Du haut de sa colline, la cathédrale de Laon (Aisne), dressée comme une carène de vaisseau, regarde au loin la plaine et les carrières d'où les bœufs ont monté, pendant près d'un siècle, les pierres qui ont servi à sa construction. Site unique en France, ce plateau en forme de butte constitue un piédestal royal à la ville altière. Cette singulière colline se divise en deux branches : l'une, à l'est, porte la ville, la cathédrale et à son extrême pointe la citadelle ; l'autre, au sud, le quartier des Creuttes et l'ancienne abbaye de Saint-Vincent.
Beaucoup d'archéologues aimeraient retrouver dans ce verrou de la vallée de l'Oise l'antique Bibrax, place de guerre des Rémois, alliés de César (le musée d'Art et d'Antiquité, fondé en 1851 par la Société académique, contient une riche collection, résultat de nombreuses explorations locales). Sous les Mérovingiens, Laon (Laudunum) hésite entre appartenir au royaume de Soissons ou à celui d'Austrasie. Pépin le Bref l'intègre dans le domaine carolingien. En 882, face à une résistance vigoureuse, les Normands échouent devant ses murailles. Elle conserve encore des vestiges des anciennes fortifications, plus récentes, il est vrai : les portes de Soissons, d'Ardon et de Chenizelles, du xiiie siècle, qui affirment la robustesse de la place. Sous la royauté capétienne, la cité de Laon, placée sous la suzeraineté de ses évêques, enhardie par ses anciennes victoires et sûre de son site, devient une commune remarquée pour son indiscipline. Elle sait qu'elle peut compter sur un deuxième point fort, la proche forteresse de Coucy qui résiste longtemps aux troupes de Louis VI. L'église Saint-Martin, contemporaine de ces événements, ancienne collégiale, puis abbaye de Prémontrés en 1124, est un bel édifice de transition sur le plan des constructions cisterciennes. Elle nous est parvenue, en partie mutilée, après les incendies et les destructions qui éprouvèrent durement la ville pendant la Seconde Guerre mondiale. L'église des Templiers, curieux édifice octogonal, fut également construite vers 1134.
Mais Laon vaut surtout par sa cathédrale, d'une importance exceptionnelle dans l'histoire de l'architecture gothique. L'édifice, de 110,5 mètres de longueur, 54 mètres de largeur au niveau du transept et 24 mètres sous voûte, donne le ton dans une période de transition. Commencée vers 1150-1155, sa construction précéda toujours de quelques années celle de Notre-Dame de Paris qu'elle inspira sur bien des points. Gaultier de Mortagne, doyen du chapitre, puis évêque de 1155 à 1174, présida à la direction des travaux qu'il aida largement à financer de ses propres deniers. De plan en croix latine, le chœur est presque aussi long que la nef, tous deux dotés de trois vaisseaux et couverts de voûtes d'ogives sexpartites, et scindés par le transept ceint de collatéraux. La nef était achevée à la fin du xiie siècle, et la façade montée autour de 1200. Tout était terminé en 1205. On décida alors de défoncer l'ancienne abside à déambulatoire, et de la remplacer par un grand chœur à chevet plat qui prolonge la nef en un long vaisseau coupé seulement par l'important transept que domine la grandiose tour-lanterne. C'est le parti adopté à Saint-Ayoul de Provins, dans les églises de Normandie, et aussi dans les cathédrales de Cambrai et d'Arras, toutes deux disparues. Les dimensions du vaisseau central sont exceptionnelles et son élévation à quatre étages, comme à Noyon (grandes arcades, tribunes, triforium, fenêtres hautes), se poursuit depuis le chevet jusqu'à la façade ouest. De ce même côté, à l'extérieur, les trois portes s'ouvrent au fond de trois porches profonds surmontés de gâbles, qui annoncent ceux des croisillons de Chartres. Au-dessus, une grande rose entre deux fenêtres, une galerie à arcature[...]
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Écrit par
- Gérard ROUSSET-CHARNY : historien de l'art
Classification
Médias