CATHERINE II DE RUSSIE (1729-1796)
Il est difficile d'imaginer personnage plus divers et, en apparence, contradictoire que celui de Catherine II. Romanesque autant que réaliste, exemple de « desposte éclairé » pour les uns, de tyran pour les autres, cette souveraine sut allier mieux que personne grandeur et petitesse. Tenue par ses contemporains pour « l'une des meilleures têtes d'Europe » (Diderot), elle se consacra passionnément, comme elle disait, à son « métier » d'impératrice et méritera d'être appelée, en dépit de tout, « la sentinelle qu'on ne relève jamais ». De fait, peu de monarques travaillèrent davantage à la grandeur de leur pays que cette princesse, étrangère – par le sang et la culture – à sa patrie d'adoption.
La marche au pouvoir
Le mariage de la petite princesse allemande
Rien ne semblait prédestiner la princesse Sophie Augusta Frédérique d'Anhalt-Zerbst, née à Stettin le 2 mai 1729, au trône impérial de Russie. Fille du prince Chrétien-Auguste et de Jeanne de Holstein-Gottorp (autre petite principauté prussienne), dont elle paraît avoir hérité l'intelligence et la vitalité, la future Catherine II n'avait connu à Stettin, dont son père était gouverneur, qu'une enfance monotone et effacée. Divers précepteurs huguenots, une gouvernante également française, quelques voyages à Berlin, à Hambourg ou chez son grand-oncle de Brunswick : à cela se résumait son éducation de petite princesse allemande, que tout paraissait vouer à la même besogneuse obscurité que ses ancêtres.
C'était compter sans la fille de Pierre le Grand, Élisabeth, qui, à peine sur le trône, venait de rappeler en Russie (1742) le grand-duc Pierre, un orphelin de quatorze ans, son neveu, fils du duc de Holstein et de sa sœur Anne. Désireuse de marier ce dernier descendant de Pierre le Grand, à qui elle destinait sa succession, l'impératrice Élisabeth fixait bientôt son choix sur sa lointaine parente, Sophie Augusta, qui, dès janvier 1744, arrivait dans sa patrie d'adoption qu'elle ne devait plus jamais quitter.
Aussitôt convertie à l'orthodoxie et rebaptisée Catherine Alexeïevna, elle épousait l'année suivante (21 août 1745) le grand-duc Pierre, que la variole avait entre-temps défiguré. Il était difficile d'imaginer deux êtres plus dissemblables que le prince héritier, resté puérilement attaché à son Holstein natal, et sa jeune épouse dont la vivacité, la sensibilité et le minois faisaient ressortir par contraste le manque de maturité affective – et physique – de son mari. Sept ans plus tard, leur mariage n'était, semble-t-il, toujours pas consommé ; et la naissance, en septembre 1754, du futur Paul Ier, bien proche cependant par ses excentricités et sa « prussomanie » de son père légitime, ne suffisait pas à dissiper tous les doutes.
La vie tumultueuse à la cour d'Élisabeth
À cette date, il est vrai, les deux époux suivaient déjà chacun leur destinée propre, Catherine surtout à qui son zèle d'orthodoxe, son sens politique et un patriotisme russe ostentatoire valaient déjà une popularité refusée à son mari. Tandis que ce dernier donnait l'exemple d'une vie fantasque et désordonnée, elle puisait dans la lecture de Tacite, de Voltaire ou de Montesquieu de quoi nourrir, avec son goût pour l'histoire, ce « terrible appétit de gloire » dont elle se dira par la suite habitée. Bientôt mêlée aux premières intrigues que soulevaient autant l'état de santé d'Élisabeth que l'impopularité de son mari, allemand et luthérien dans l'âme, elle eut toutefois l'habileté de ne jamais encourir, malgré les écarts de sa vie privée, la disgrâce de l'impératrice. Succédant à une inclination partagée (1755-1757) pour Stanislas Poniatowski dont elle fera le dernier roi de Pologne, sa liaison avec Grigori[...]
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Écrit par
- François-Xavier COQUIN : assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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