CATHERINE II DE RUSSIE (1729-1796)
Les succès extérieurs
Nul ne devait en effet se montrer plus soucieux de la grandeur et de la gloire de sa patrie que cette souveraine étrangère et usurpatrice, à qui les augures ne prédisaient en 1762 qu'un règne éphémère. Sans se laisser longtemps abuser par les conseils de son chancelier Panine, rêvant d'une chimérique « confédération du Nord » liguée contre les puissances papistes et méridionales (Autriche, France, Espagne), Catherine s'était très tôt posée en continuatrice de Pierre le Grand, attentive aux seuls intérêts et à l'agrandissement de la Russie. Tout comme sous le vainqueur de Charles XII et de Moustapha, la poussée russe devait s'exercer dans une double direction : à l'ouest, en direction de la Pologne et des anciennes provinces lituaniennes ; au sud, vers la Crimée et le littoral de la mer Noire.
Le premier partage de la Pologne
Mettant à profit dès 1764 la faiblesse et les dissensions de la Pologne, Catherine lui imposait, d'accord avec Frédéric, Poniatowski pour roi et un semi-protectorat. Ce renforcement de la Russie ne pouvait laisser les Turcs indifférents. À l'instigation de la France et des patriotes polonais, craignant pour leur indépendance, la Porte – alarmée de son côté par les ambitions de Catherine – déclarait peu après la guerre à la Russie (déc. 1768). Après diverses péripéties, les opérations ne prennent un tour décisif qu'en 1770, quand les Turcs sont défaits à Jassy et à Fokchany (Moldavie), tandis que leur flotte est détruite au large de Chios, à Tchesmé (26 juin), par une escadre russe, arrivée de Baltique sous les ordres d'Alexis Orlov. À un demi-siècle de distance, Catherine renouvelait l'exploit de Pierre le Grand, anéantissant la flotte suédoise à Hangö, et confirmait ainsi la double vocation, maritime et méditerranéenne, de l'Empire russe.
Victoires préoccupantes pour les puissances européennes : craignant, tout comme l'Autriche, un renforcement unilatéral de la Russie dans les Balkans, Frédéric II pousse Catherine à chercher des compensations, non en Turquie, mais en Pologne, où il pourrait également se dédommager de ses bons offices. Ni plus scrupuleuse que le roi de Prusse, ni moins opportuniste que Marie-Thérèse, Catherine se prête bien volontiers à cette combinaison sans précédent : le démembrement, en pleine paix, d'un État extérieur au conflit. C'est le premier partage de la Pologne (juill. 1772) qui porte la Russie sur les bords de la Dvina et du Dniepr.
L'annexion de la Crimée
Restait à traiter avec la Porte qui avait entre-temps attisé la révolte de Pougatchev et poussé Tatars et Bachkirs à se soulever. De nouvelles victoires de Souvorof et de Roumiantsev, ses meilleurs capitaines, permettent à Catherine d'imposer ses conditions : par le traité de Kutchuk-Kaïnardji (juill. 1774), la Russie acquérait notamment les clefs de la mer d'Azov (Kertch et Iénikalé) et s'installait, face à Otchakov, sur l'embouchure du Dniepr. Détachée de l'Empire ottoman, où Catherine se faisait reconnaître un droit de protection sur les minorités orthodoxes, la Crimée était proclamée indépendante, et laissée à la merci du gouvernement de Saint-Pétersbourg. Enfin, les Dardanelles étaient ouvertes aux navires russes. Bientôt victorieuse de Pougatchev, « Catherine le Grand » obtenait ainsi ce qui avait toujours été refusé à Pierre le Grand : une fenêtre sur la mer Noire.
Ni pour la Turquie, dépouillée de la Crimée, ni pour Catherine, obligée de rabattre (contre compensations en Pologne) de ses prétentions primitives, cette paix ne pouvait être autre chose qu'une trêve. L'annexion de la Crimée (1783) et la fondation de Sébastopol par Potemkine, nommé prince de Tauride, paraissaient même, qui mieux est, attester bientôt la conversion de Catherine au grandiose « projet grec » qu'on[...]
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Écrit par
- François-Xavier COQUIN : assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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