CATHOLICISME L'organisation et la vie de l'Église
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Pour comprendre les institutions actuelles de l'Église catholique, il faut partir du fait historique qui explique son origine : la conviction d'un petit groupe d'hommes et de femmes, dans les années 30 à 40 du premier siècle, que Jésus de Nazareth, récemment crucifié sur ordre de Ponce Pilate, procurateur de Judée, était ressuscité, qu'il était le fils de Dieu, Dieu lui-même, l'Homme-Dieu, seigneur de l'humanité et de l'univers, et qu'il avait voulu rassembler tout ceux qui croiraient en lui, parmi tous les peuples du monde, en une unique grande communauté d'essence exclusivement religieuse. Il faut ensuite faire appel à l'histoire des idées, des institutions, des civilisations et des religions, car les structures de l'Église restent profondément marquées par les éléments de toutes sortes qu'elle a intégrés pendant sa longue histoire. Il faut recourir tout autant à la théologie, à la psychologie et à la sociologie qu'au droit ecclésial lui-même, appelé traditionnellement droit canonique, et aux systèmes juridiques qui l'ont influencé (droit romain, droits barbares, droits étatiques modernes et droit international). À ces conditions seulement, on verra ce qui est en jeu dans les institutions de l'Église catholique romaine.
Les institutions ecclésiales
Un problème
L'idée fondamentale que les institutions ecclésiales doivent concrétiser est celle de la communauté des croyants en Jésus-Christ, telle que celui-ci l'a voulue d'après la foi de l'Église primitive : une communauté unique à travers le temps et l'espace, d'ordre strictement religieux, à laquelle tous les êtres humains sont appelés par la prédication de l'Évangile, sans qu'on ait aucunement le droit de les contraindre à y entrer (les conversions forcées, pratiquées à certaines époques, sont une aberration absolument contraire au message évangélique), ni à y demeurer (l'Inquisition est une aberration du même type). Elle doit être, suivant la fameuse distinction évangélique entre le domaine de Dieu, l'Église, et celui de César, l'État, à la fois indépendante par rapport au pouvoir politique et dépourvue de tout pouvoir hiérarchique à son égard ; le césaropapisme de type byzantin s'explique par la rémanence en climat chrétien de la confusion du politique et du religieux dans la cité antique tandis que la chrétienté sacrale du Moyen Âge, dominée par la papauté, vient de la même rémanence et de la désagrégation de l'organisation politique de l'Europe occidentale à la fin du premier millénaire. Cette idée de communauté unique des croyants en Jésus-Christ, ou de Peuple de Dieu, a été vigoureusement mise en relief par Vatican II, mais elle n'avait jamais disparu de la conscience collective de l'Église. C'est pour cela que l'hérésie et le schisme y ont toujours été ressentis comme une rupture douloureuse et scandaleuse. On devient membre de la communauté par le baptême et la profession de foi. Tous les membres sont fondamentalement égaux et appelés à la même sainteté essentielle, qui consiste, de leur part, dans l'accomplissement, aussi plénier que possible, du double commandement de l'amour de Dieu et du prochain, dans lequel se résument les exigences de l'Évangile, et tous doivent être des éléments actifs de la communauté, mais chacun a son rôle spécial à y jouer, qui vient de l'initiative divine (théologie paulinienne des charismes). La distinction la plus importante qui existe entre eux – du moins dans l'Église catholique et l'Église orthodoxe, car les Églises protestantes issues de la Réforme ne l'admettent pas en principe – est celle qui s'établit entre les titulaires du sacerdoce ministériel – le corps épiscopal (évêques) et ses collaborateurs (les simples prêtres), en continuation du collège apostolique établi par le Christ lui-même – et le laïcat, c'est-à-dire l'ensemble des chrétiens, qui jouissent seulement du sacerdoce commun des baptisés. Entre les deux ont été institués des degrés intermédiaires : non seulement les diacres, d'origine apostolique, mais aussi des catégories de nombre et d'appellations variables. Tous ceux-ci, avec évêques et prêtres, constituent le clergé.
Ce qui unissait les communautés ecclésiales, pendant le premier millénaire, c'était essentiellement une communauté (koïnomia en grec) de foi, de sacrements et de fidélité aux exigences évangéliques. L'administration, la législation et les coutumes étaient à la fois locales (évêchés) et régionales (par exemple, l'Égypte, l'Afrique du Nord, la Gaule). L'évêque de Rome était considéré, en tant que successeur de Pierre, comme le premier des évêques et l'arbitre suprême, mais il n'était nullement à la tête d'une administration centralisée. La seule législation proprement universelle émanait des conciles œcuméniques. La situation changea profondément, quoique insensiblement, dès le début du deuxième millénaire, en raison de la séparation de fait entre l'Orient et l'Occident. L'Orient conserva ses propres traditions, de type pluraliste. L'Occident vit croître, quoique avec quelques éclipses, l'initiative centralisatrice de la papauté, par souci d'unité et d'indépendance de l'Église par rapport au pouvoir politique, mais aussi sous l'influence d'une mentalité, héritée du droit romain, portée à rechercher l'uniformité. La tendance s'accentua considérablement au xixe siècle. Son aboutissement extrême fut, sur le plan de la législation, le Code de droit canonique de 1917, et, sur celui du gouvernement, les pontificats de Pie XI et de Pie XII.
Le IIe concile du Vatican marque un tournant par rapport à cette conception. L'existence d'une organisation centrale de l'Église, en tant que signe et facteur d'unité, apparaît comme une nécessité irréversible, mais elle doit admettre une très large décentralisation, qui permette aux Églises particulières et aux Églises diocésaines d'assumer leurs propres responsabilités. L'ancienne idée-force de la koïnomia reprend ainsi toute sa valeur, mais avec le progrès capital d'une meilleure structuration de l'unité. La collégialité de l'épiscopat redevient une réalité concrète sans nuire aucunement à la primauté du souverain pontife. Le laïcat retrouve le rôle auquel il avait droit après une longue période de cléricalisation excessive et devient de plus en plus actif dans les institutions ecclésiales, en collaboration étroite avec le sacerdoce ministériel. Parallèlement, l'Église catholique s'ouvrait à l'œcuménisme, ce courant puissant qui pousse les Églises chrétiennes séparées à se retrouver et à s'accepter différentes dans l'unité d'une seule Église, qui serait alors vraiment l'Église universelle. La réforme juridique qui a abouti à la promulgation des deux Codes de droit canonique – le premier, en 1983, pour l'Église catholique latine, et le second, en 1990, pour les Églises catholiques orientales –, avait pour but d'exprimer dans les institutions ces prises de conscience et ces décisions fondamentales. Même rénové dans son expression, le droit canonique romain conserve cependant son langage et ses exigences propres. Il faut éviter des analogies trop rapides avec les autres systèmes juridiques, politiques et religieux.
L'Église catholique et son gouvernement
L'organisation du pouvoir suprême dans l'Église catholique présente cette particularité singulière qu'il appartient dans sa plénitude (enseignement authentique de la Parole de Dieu contenue dans la Révélation et commandement sous les trois aspects classiques : législatif, exécutif et judiciaire) à deux titulaires, sans que l'un fasse nombre par rapport à l'autre : le pape et le concile œcuménique. Cela tient au fait que, d'après la conception catholique, le premier est le chef du corps épiscopal et que le second, qui est le rassemblement de ce corps épiscopal, ne peut être considéré comme tel que s'il est regroupé autour de son chef et agit de concert avec lui.
C'est parce qu'il est désigné comme successeur de l'apôtre Pierre, tenu lui-même pour le chef du collège apostolique, que l'évêque de Rome, appelé officiellement souverain pontife ou pontife romain, ou plus simplement pape, est le chef du corps épiscopal et, au-delà, a vocation aux yeux des catholiques à diriger l'Église universelle. De ce point de vue, il est, dans sa personne et dans l'activité qu'il déploie directement ou avec l'aide de ses collaborateurs, le signe et le facteur hiérarchiques de l'unité dans l'Église, d'une unité qui a sa source profonde dans le Christ ressuscité, dans la Parole de Dieu et dans les sacrements, mais qui a besoin d'un symbole personnel qui en soit en même temps le principal artisan. Bien qu'il ait le droit d'évoquer à lui toutes les affaires quand il le juge opportun, il n'est pas et ne peut pas être un monarque absolu. Parce qu'il doit être fidèle aux exigences de la Parole de Dieu, il doit en particulier respecter et favoriser l'activité du corps épiscopal et de chaque évêque particulier pour le secteur ecclésial qui lui est confié. Ouvrier de la convergence, il se contentera souvent d'être un arbitre suprême plus qu'un chef qui veut tout régenter. D'après le droit actuel, il nomme en principe tous les évêques de l'Église latine et IIe concile du Vatican a voulu définitivement écarter toute ingérence du pouvoir politique dans les nominations épiscopales. Longtemps suzerain des États pontificaux, dont l'existence, qui s'explique par les circonstances historiques, eut le mérite, en dépit de nombreux inconvénients, d'assurer l'indépendance de la papauté, il se contente volontiers, depuis les accords du Latran (1929), d'un territoire exigu : la cité du Vatican, qui n'a d'autre but que de signifier sa nécessaire indépendance. Il est élu à vie, aux deux tiers des voix par le Collège des cardinaux.
Le concile œcuménique est le rassemblement en une assemblée délibérante autour du pape du corps, ou collège épiscopal, c'est-à-dire de tous les évêques catholiques, en communion avec lui. D'après le droit actuel, il doit être convoqué, présidé directement ou indirectement et ratifié par lui, ce qui est logique, puisqu'il est le chef du corps épiscopal. Le but de sa réunion est de résoudre les grands problèmes qui se posent à l'Église aux principales étapes de son histoire. Les contacts, les discussions et les délibérations de toutes sortes entre des évêques venus du monde entier donnent la possibilité de mieux cerner ces problèmes et, comme chacun aura été engagé dans la décision, acquise seulement à une très forte majorité (les deux tiers des voix), il sera davantage porté à en assurer l'exécution. Alors que le pape est, pourrait-on dire, le signe de l'unité de l'Église catholique dans sa vie quotidienne, le concile œcuménique l'est à certains moments essentiels. Pour le comprendre et pour en saisir l'importance ecclésiale, il suffit de se rappeler l'expérience du IIe concile du Vatican.
Un tel rassemblement de tout l'épiscopat catholique ne peut avoir lieu que rarement. Il est cependant souhaitable que ses représentants puissent collaborer étroitement avec le pape au gouvernement de l'Église. C'est dans ce dessein qu'à été institué en 1965-1966 le Synode d'évêques pour l'Église universelle, appelé plus simplement Synode épiscopal. Dans l'état actuel du droit, il est seulement en principe une assemblée consultative et le pape le convoque quand il le juge opportun. Une grande partie des membres sont élus par les conférences épiscopales. De divers côtés, on souhaite qu'il devienne une assemblée délibérante et que le rythme de ses sessions ordinaires soit prévu par une disposition générale, par exemple, une par an.
Faudrait-il, dès lors, maintenir l'existence du collège des cardinaux ? La question est aussi assez souvent posée. Librement nommés par le souverain pontife, ils sont heureusement, depuis Jean XXIII, revêtus de la dignité épiscopale. Du vivant du pape, ils sont individuellement ses conseillers privilégiés, du moins théoriquement, mais ils ne constituent juridiquement aucune assemblée collégiale proprement dite. Ils ne le deviennent qu'à la vacance du Siège apostolique. Ils reçoivent alors, constitutionnellement, le droit de régler les affaires urgentes, et ils doivent procéder – et eux seuls – le plus rapidement possible à l'élection d'un nouveau pape. Ne pourrait-on pas supprimer cette institution et confier la fonction qu'elle remplit actuellement, qui est surtout d'élire le nouveau pape, au Synode épiscopal ? C'est ce que pensent beaucoup et ils ne manquent pas d'arguments impressionnants.
Le pouvoir suprême ecclésial a besoin de disposer de services complexes. Leur ensemble constitue ce qu'on appelle traditionnellement la Curie romaine, qui a été l'objet d'une réforme importante en 1967. L'organisme principal en est la secrétairerie d'État ou secrétariat du pape, car il est chargé de coordonner l'activité de tous les autres ; il lui est adjoint le conseil pour les Affaires publiques de l'Église (rapports avec les gouvernements). Puis viennent les congrégations : congrégation pour la Doctrine de la foi, congrégation pour les Églises orientales, congrégation des Évêques, congrégation de la Discipline des sacrements, congrégation des Rites, congrégation pour le Clergé, congrégation des Religieux et des Institutions séculiers, congrégation de l'Enseignement catholique, congrégation pour l'Évangélisation des peuples. Viennent ensuite les secrétariats : secrétariat pour l'Union des chrétiens, secrétariat pour les Non-Chrétiens, secrétariat pour les Non-Croyants. Il faut encore compter : le conseil des Laïcs et la commission pontificale Justice et Paix ; les tribunaux : tribunal suprême de la Signature apostolique, Rote romaine, Pénitencerie apostolique ; enfin, divers offices. Les réformes menées à la suite du dernier concile ont nettement contribué à l'internationalisation de la Curie, restée longtemps entre les mains des Italiens : le changement est visible à la fois dans le personnel permanent et dans la collaboration d'évêques et de spécialistes du monde entier continuant à habiter dans leurs pays respectifs.
Les Églises particulières et leur gouvernement
Par Églises particulières, on entend les Églises groupées – avec leurs structures, leurs traditions théologiques et liturgiques et leur mentalité propres qui leur confèrent une très large marge d'autonomie – au sein de l'Église catholique et sous l'autorité de son pouvoir suprême. De ce point de vue, l'Église latine ou occidentale dont le pape est le chef (en tant que patriarche d'Occident) en même temps que celui de l'Église entière, est elle-même une Église particulière à l'intérieur de l'Église catholique, au même titre que les Églises orientales catholiques.
Ces dernières appartiennent à ce tronc commun du christianisme dit oriental, qui s'est épanoui originairement au Proche- Orient asiatique, dans la partie nord-orientale de l'Afrique, en Grèce, dans les Balkans et dans l'Europe orientale, et dont la plus grande partie est séparée de Rome pour des raisons historiques et théologiques complexes, malgré une identité fondamentale de foi. En plus du rite maronite entièrement catholique, on retrouve chez elles les différents rites du christianisme oriental : rite byzantin (Grecs, Melkites, Slaves), rite arménien, rite syrien, rite chaldéen (surtout les catholiques du Malabar) et rite copte (groupe égyptien et groupe éthiopien). Les Églises orientales catholiques sont par leur organisation, leur liturgie et leur théologie du même type que les autres Églises orientales. Elles ont à leur tête un patriarche ou un archevêque majeur. Ceux-ci les gouvernent avec leurs synodes, composés des évêques de leurs Églises respectives : synode permanent et synode plénier. Ils ont même le droit d'instituer de nouvelles éparchies (diocèses) et de nommer les évêques. Le IIe concile du Vatican a voulu qu'on laisse à ces Églises l'autonomie maximale, à l'encontre de la tendance à la centralisation romaine et à la latinisation de fait qui prévalaient antérieurement. Ainsi le code particulier unique promulgué en 1990 pour les Églises orientales catholiques n'est-il plus un simple démarquage du code latin, ce que faisait trop la codification entreprise sous Pie XI et Pie XII. Chaque Église particulière peut recevoir éventuellement une organisation régionale à plusieurs niveaux, dont la base de gouvernement doit être chaque fois l'assemblée épiscopale correspondante. Le IIe concile du Vatican prévoit même la possibilité de conférences épiscopales internationales, groupant les évêques de plusieurs États. Comme on peut facilement le comprendre, il attache surtout de l'importance aux conférences épiscopales nationales, qui ont reçu un large pouvoir de décision pour l'ensemble du territoire. Elles sont organisées suivant des statuts types, ce qui fait qu'on retrouve partout les mêmes traits essentiels. Si le pays est vaste, il est divisé en provinces ecclésiastiques regroupant plusieurs diocèses. Leur carte a été refondue dans les pays de vieille chrétienté. Dans le cas de l'Église de France, les neuf régions apostoliques créées en 1961 n’ont pas supprimé les 17 anciennes provinces (ou archevêchés), passées à 15 en 2002 alors que lesdites régions disparaissaient. Quant au nonce apostolique, qui peut n'être qu'un pro-nonce ou un inter-nonce, il est à la fois le représentant officiel du Saint-Siège auprès d'un État et son intermédiaire, non unique ni obligatoire, auprès des catholiques de son territoire. Si le représentant du Saint-Siège n'a pas de statut diplomatique et ne remplit officiellement que la seconde fonction, il porte le nom de délégué apostolique. L'opportunité des deux fonctions – surtout de la première – a été très discutée.
L'Église diocésaine
D'après la conception catholique qui est aussi celle de toutes les Églises orientales, c'est le diocèse, communauté gouvernée par un évêque sur un territoire relativement vaste, qui constitue la communauté ecclésiale de base ou l'Église locale, parce que l'Église n'est pleinement signifiée que là où se trouve comme responsable un évêque, en tant que membre du corps épiscopal. Celui-ci, bien qu'il soit subordonné au pouvoir ecclésial suprême et aux instances intermédiaires (conférences épiscopales), est plus qu'un préfet. Il est le premier responsable de son diocèse et doit jouir, d'après un principe heureusement posé par le IIe concile du Vatican, de tous les pouvoirs nécessaires à l'accomplissement de sa fonction pastorale, sans qu'il soit obligé de recourir fréquemment à une autorité supérieure. Il est parfois aidé par un évêque coadjuteur ayant droit de succession ou un évêque auxiliaire, sans droit de succession. Ses collaborateurs principaux sont le vicaire général (ou les vicaires généraux) et les vicaires épiscopaux. Il dispose de divers conseils : notamment le conseil presbytéral (uniquement des prêtres) et le conseil pastoral (clercs, religieux et laïcs). Le chapitre des chanoines, qui était autrefois une institution importante, doit au moins recevoir une profonde transformation et on a réclamé souvent sa suppression complète – ce qui est compréhensible. L'officialité, qui est assez souvent régionale, est chargée de rendre la justice. Le séminaire est également souvent interdiocésain. Quant au secrétariat de l'évêché, il est évidemment une pièce maîtresse de l'ensemble, et le synode diocésain (sorte de grandes assises du diocèse) est certainement appelé à une vitalité, surtout si les laïcs et les religieux y participent aussi bien que le clergé. Les expériences réalisées sont pleines de promesses.
Comme le département français, le diocèse est quadrillé géographiquement et sociologiquement. Sur le plan géographique, on a la zone (en langage canonique traditionnel : archidiaconés, archiprêtrés), qui correspond à l'arrondissement ; le doyenné, qui correspond au canton ; la paroisse, qui correspond à la commune. Sur le plan sociologique, on aura des institutions de type caritatif, social ou culturel ; des aumôneries de genres variés (d'hôpitaux, de lycées, de collèges, etc.) ; des couvents ; des groupements de laïcs, surtout sous la forme de l' Action catholique. La paroisse a vocation à rassembler tous les catholiques habitant sur son territoire, sans distinction de milieu social. Son organisation pose des problèmes complexes, qui ne peuvent pas recevoir de solutions uniformes. L'idéal serait qu'elle constitue une communauté suffisamment nombreuse, sans l'être trop toutefois, afin que ses membres puissent nouer entre eux des relations personnelles. Il est indispensable que les prêtres travaillent en collaboration étroite et assez souvent souhaitable qu'ils habitent ensemble. L'équipe a la faveur du jeune clergé. Le diaconat, auquel des hommes mariés peuvent désormais accéder même dans l'Église latine, semble devoir connaître un renouveau. Quant à la possibilité que des hommes mariés puissent également accéder au sacerdoce, comme dans les Églises orientales, elle est très discutée, mais le pouvoir suprême dans l'Église latine tient à maintenir la règle du célibat, qui, en Occident, remonte jusqu'au ive siècle, et qui n'est nullement inhumaine, lorsqu'on l'envisage à la lumière de l'Évangile.
Le laïcat
Sous le nom de laïcs on entend l'ensemble des chrétiens qui ne sont ni clercs ni religieux ; les membres ordinaires (l'adjectif n'indique aucune infériorité) de l'Église considérée comme peuple (laos en grec) de Dieu. Leur mission est double : d'abord celle d'exercer « la gérance des choses temporelles » (Vatican II) à travers leur vie familiale et leur activité professionnelle, vécues suivant l'esprit évangélique, ce qui leur permet de porter un témoignage de foi qui puisse être perçu par les non-chrétiens ; ensuite celle d'être des éléments actifs à l'intérieur de la communauté ecclésiale à tous ses niveaux, et donc d'y exercer des responsabilités propres en collaboration avec le sacerdoce ministériel. La première mission a été toujours affirmée. La seconde a subi une éclipse partielle, par réaction contre la négation protestante du sacerdoce ministériel et contre les empiétements trop fréquents du pouvoir politique. Depuis Pie XI, les laïcs reprennent la place à laquelle ils ont droit dans l'Église, individuellement et collectivement, soit par leurs groupements propres (spontanés ou organisés), soit par leur participation active à la vie des communautés hiérarchiques (diocèses, paroisses, etc.). Quoique aucun ne soit personnellement obligé de participer à un apostolat organisé, celui-ci est cependant indispensable. Sa forme la plus explicitement ecclésiale est l'Action catholique dont les caractéristiques sont les suivantes d'après le IIe concile du Vatican : un but qui soit le but apostolique même de l'Église, une collaboration étroite avec la hiérarchie et sous sa haute direction, une action à la manière d'un corps organisé.
Instituts religieux et instituts séculiers
Les instituts religieux et les instituts séculiers ont ceci de commun que leurs membres s'engagent à vivre toute leur vie l'idéal évangélique de la pauvreté, du célibat consacré et de l'obéissance : ce qu'on appelle couramment les trois conseils évangéliques.
Dans les instituts religieux (ordres et congrégations), ces engagements sont assumés publiquement devant l'Église par des vœux publics et vécus généralement sous la forme de la vie commune avec des règles assez minutieuses et sous une dépendance étroite par rapport aux supérieurs. Ils sont préparés par un temps plus ou moins long de formation spéciale (postulat, noviciat), formulés d'abord temporairement (vœux temporaires), puis définitivement (vœux perpétuels, simples ou solennels). La réglementation et la physionomie particulière des instituts religieux s'expliquent par une très longue histoire, qui remonte jusqu'aux premiers temps du christianisme et qui trouve des analogies dans les religions non chrétiennes (communauté juive de Qumrān, bouddhisme, hindouisme, islam). En ce qui concerne le genre de vie, la distinction la plus importante est celle des instituts contemplatifs, qui s'adonnent principalement à la prière (bénédictins, carmes, trappistes...) et les instituts dits actifs, qui se consacrent à l'apostolat sous les formes les plus variées (franciscains, dominicains, jésuites, salésiens...). Sous l'impulsion du IIe concile du Vatican, ils ont entrepris de profondes réformes pour s'adapter aux besoins actuels (aggiornamento). Leur vitalité en sera accrue.
Quant aux instituts séculiers, qui sont de création récente (1947), ils ont pour but de vivre les trois conseils évangéliques en plein milieu des hommes dans leur existence quotidienne : donc normalement avec l'exercice d'une profession (libérale ou manuelle), sans costume spécial, souvent sans cohabitation, avec des règles et une dépendance très souples par rapport aux supérieurs. Les engagements sont pris également après une formation assez longue. Ces instituts connaissent déjà un essor remarquable et semblent appelés à un grand avenir. Le plus ancien (juridiquement) et en même temps le plus important, le plus célèbre et le plus discuté d'entre eux est l'Opus Dei (plus précisément, Société sacerdotale de la Sainte-Croix et Opus Dei).
Institutions ecclésiales d'essence profane
L'Église catholique possède de nombreuses institutions d'ordre éducatif, culturel, caritatif ou social. Souvent, elle les a fondées à titre de suppléance : au Moyen Âge, et même beaucoup plus tard, quand elle assumait pratiquement la responsabilité de la charité et de la culture ; actuellement encore dans les pays pauvres. Dans d'autres cas, elle l'a fait comme témoignage de sa charité ou d'une imprégnation concrète d'un secteur de l'activité humaine (par exemple, celui de l'éducation) par l'esprit évangélique. Sur le plan juridique, ce droit de fonder de telles institutions doit être reconnu à l'Église comme à toute autre communauté religieuse, puisqu'elles sont effectivement au service des hommes. On peut seulement discuter de l'opportunité de la fondation ou du maintien de telle ou telle institution, car l'Église doit répudier toute mentalité de ghetto et savoir s'adapter aux changements de la conjoncture. Mais c'est à elle qu'il appartient normalement de résoudre le problème et sa liberté doit être respectée.
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Écrit par
- René COSTE : professeur à l'Institut catholique de Toulouse
- Pierre LIÉGÉ : professeur aux Facultés dominicaines du Saulchoir et à l'Institut catholique de Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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