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CATHOLICISME La crise postconciliaire

Politiques

Par un autre biais, les objectifs conciliaires n'ont cessé de perdre leur pertinence par rapport à des questions qui touchent essentiellement à la vie politique et à la vie sexuelle. Au-delà de vues générales sur le « peuple de Dieu » et sur le « monde », une réalité quotidienne s'impose, qui organise les choix, institue d'irréductibles différences et crée les vrais clivages entre chrétiens – non plus une séparation entre le monde et l'Église, mais les divisions que l'histoire humaine impose et qui traversent aussi l'Église : divisions de classes, divisions ethniques et politiques, division des sexes. Les lieux stratégiques des discussions se sont déplacés de l'ecclésiologie à la politique, de la liturgie à la sexualité, des conceptions du « peuple de Dieu » à la réalité individuelle ou collective des conduites. Par là, ils se situent hors des terrains bâtis par la théologie conciliaire, ils manifestent une extériorité des pratiques par rapport aux expressions religieuses et ils mettent en cause la possibilité d'une éthique.

Les mouvements qui représentent une innovation pratique et théorique en matière politique (il n'est pas indifférent qu'ils viennent d'Amérique latine) ont pour caractéristique d'articuler une reprise du christianisme sur un choix social (c'est-à-dire pour la « libération », pour le socialisme), au lieu de supposer, comme les théologiens allemands de l'époque antérieure (Johannes Baptist Metz, par exemple), qu'un engagement pouvait être induit d'une foi. Le point de départ sera une prise de position relative à la question : avec qui se solidarise-t-on dans une société ? Il s'agit ainsi pour les chrétiens de travailler à des causes qui ne sont pas les leurs. Une mutation qualitative est inscrite dans le passage de la charité à la justice.

Une pratique de lutte constitue le préalable d'une « théologie de la libération », bien loin que, par une fiction qui le voue à l'insignifiance, on affecte au discours chrétien le pouvoir d'être neutre ou de surmonter les différences. Par là se trouve mise en cause la prétention, pour une vérité ou pour son langage, d'échapper aux conditions historiques de sa production.

Les débats n'ont pas manqué autour de formations telles que les Chrétiens pour le socialisme (nés de prêtres chiliens en 1971, l'année de l'élection d'Allende à la présidence du Chili), les Politisés chrétiens (québécois)..., ou autour du courant théologique le plus original de ces dernières années, la « théologie de la libération » (Gustavo Gutiérrez au Pérou, A. Assman au Brésil). Cette théologie n'est pas le résultat d'une lucidité universitaire, internationalement exportable mais au seul niveau d'une intelligentsia. Elle est une pratique théologique emboîtée en d'autres pratiques, indissociable de solidarités tactiques, soumise donc aux aléas et aux besoins d'une lutte historique, indétachable de particularités nationales et contingentes. Souvent bricolé, en tout cas local, son contenu est moins révolutionnaire que son statut de pratique, qui sert de repère, là même où ses thèmes cessent d'être opératoires. Elle s'est donc répandue comme le feu dans la paille. Portugais, Fernando Belo s'inscrit encore dans ce courant lorsqu'il analyse, dans Lecture matérialiste de l'évangile de Marc, les préalables politiques de toute interprétation du livre sacré, l'Évangile. Pierre d'attente pour une théologie de la lecture comme acte politique.

Les lieux où l'action et la réflexion catholiques sont mobilisées sur le terrain politique dessinent la géographie d'un christianisme qui est surtout latin (l'Amérique latine, le Portugal, l'Espagne, l'Italie...) et fixé dans un face-à-face avec le[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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