CATHOLICISME Le catholicisme contemporain
Lorsqu'on parlait du catholicisme vers le milieu du xxe siècle, la tâche n'était pas toujours facile. Au moins croyait-on savoir où le trouver : dans les institutions qui en avaient le contrôle, l' Église avec ses fidèles, sa hiérarchie, ses mouvements, ses ordres religieux, ses paroisses. Ce monde n'était évidemment pas homogène ; on pouvait au moins en tracer les limites assez facilement à l'aide des indices de la « pratique » religieuse que les sociologues établissaient et comparaient : pourcentage des « messalisants » et des « pasqualisants », nombre de vocations religieuses...
Cette manière de faire négligeait une partie énorme, majoritaire, de la population d'un pays comme la France : celle qui s'identifie comme catholique et qui pourtant n'accomplit des actes religieux répertoriables que de manière très discontinue, celle qui ne fréquente les églises que pour les mariages, les baptêmes et les enterrements. Clercs et sociologues étaient d'accord au fond pour considérer cette population comme extérieure au catholicisme, comme n'y adhérant plus que par une routine héritée de l'ancienne chrétienté. Du christianisme sociologique envahissant et quasi totalitaire qu'avaient connu certaines campagnes jusqu'à leur invasion toute récente par les techniques et les communications modernes, il serait resté, chez les petits-fils de paysans qui remplissent villes et banlieues, quelques peaux mortes tardant à se détacher. Cela ne méritait pas considération, car la sécularisation des sociétés modernes marginalisait nécessairement ces derniers signes d'adhérence – plus que d'adhésion – à l'Église des ancêtres. Les nostalgies finiraient bien par mourir ; la seule manière d'être chrétien dans le monde moderne était la manière individuelle, la libre adhésion de la conscience de chacun aux dogmes, la participation aux rites, la pratique des mœurs considérées comme conformes au catholicisme et dont il était évident qu'elles étaient désormais minoritaires, comme en témoignaient le changement de la législation et surtout l'évolution considérable de l'opinion en matière de contraception et d'avortement.
Déclin...
Dans le contexte de la sécularisation, le christianisme, et particulièrement le catholicisme, était donc exclu de la société et devait désormais se cantonner dans les églises. D'instance structurante et identificatoire pour les sociétés occidentales, il devenait sous nos yeux un choix possible, particulier, quelque chose qui serait nécessairement minoritaire, lié à une option strictement personnelle, au désir d'une vie spirituelle et à l'entrée dans une tradition. L'arrivée parmi nous des spiritualités orientales pouvait aussi contribuer à faire croire à cette désocialisation du religieux dans les sociétés modernes.
Cette perspective, qui assigne au christianisme de l'Europe occidentale un destin nécessairement minoritaire et individualiste, pouvait aussi être un moyen d'interpréter la crise des mouvements d' action catholique qui furent, tout au moins dans cette région du monde, le secteur le plus actif du catholicisme pendant trente ou quarante années. La tentative de refaire chrétiennement le monde était, en effet, devenue peu à peu le projet d'assurer une présence chrétienne dans les grands mouvements sociaux de l'époque ; puis, sous le couvert d'une sorte de consécration chrétienne des valeurs qui était à l'œuvre dans les luttes ouvrières, paysannes et étudiantes, la dynamique séculière semblait souvent l'emporter sur l'interrogation religieuse, la référence chrétienne n'apportant souvent qu'un supplément de légitimité à l'action sociale, supplément dont on a souvent noté qu'il pouvait être source de confusion, de bonne conscience et d'une manière artificielle[...]
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Écrit par
- Paul THIBAUD
: directeur de la revue
Esprit
Classification
Média
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