CATHOLICISME Le catholicisme contemporain
... ou redéfinition
Il y a pourtant des raisons de soutenir que ce processus de rétrécissement de l'influence reconnue à l'Église n'est qu'une des faces du tableau, que des infiltrations se produisent dans des directions inattendues et que c'est peut-être aussi à une redéfinition de l'identité catholique que l'on assiste, redéfinition qui pourrait s'appuyer sur la résistance de latences peu visibles.
À un niveau très banal, qui peut dire exactement ce que signifie la désertion des églises que l'on constate parfois ? Signifie-t-elle qu'un pourcentage considérable d'anciens catholiques sont devenus indifférents, ou bien qu'ils ont changé la forme de leur pratique ? Les assistances plus clairsemées témoignent-elles de ce que certains sont partis, ou bien de ce que les catholiques pratiquants n'ont plus les mêmes rapports avec l'institution, que la menace terroriste du « péché mortel », par exemple, a cessé de jouer ? D'une manière plus générale, ce n'est pas parce que le catholicisme n'est plus cet encadrement de la vie qu'il était jusqu'à présent, cette définition d'une manière de vivre, qu'il a disparu des consciences. Au contraire peut-être. Le considérable déclin, sinon de l'anticléricalisme, du moins de l'anticatholicisme dans la société française témoigne de l'abaissement d'une frontière, dont l'une des causes est sans doute la perte de relief du catholicisme. Mais l'autre cause en est le déclin des idéologies qui prétendaient condamner ce dernier. Les philosophies du progrès, le matérialisme marxiste connaissent en effet de leur côté une crise encore plus brutale et plus radicale que le catholicisme. Les idées qui ont prédit la fin du christianisme, qui étaient censées pouvoir le remplacer, se sont effondrées : le marxisme, avec la découverte des impostures qu'étaient toutes les formes connues du « socialisme réalisé » ; le scientisme, avec cette crise de l'activisme matériel occidental que révèle le sursaut écologique.
Le christianisme en Occident n'a donc plus de successeur, cette constatation oblige à relativiser tout ce qu'on peut dire de sa crise. Cela entraîne aussi cette conséquence que la référence au christianisme tend dans une certaine mesure à redevenir un « lieu commun » dans la société française. Sans qu'on s'en aperçoive beaucoup, la laïcité de l'État républicain a été peu à peu infléchie dans un sens qui fait sa part à une sorte d'identité chrétienne supposée commune à tous les Français, identité dont l'évocation semble curieusement liée à la fonction présidentielle : on rappelle, au moins pendant la campagne électorale, qu'on a reçu une sérieuse éducation chrétienne, ensuite on assiste à la messe dominicale et, pour finir, on est enterré solennellement à Notre-Dame de Paris... Il ne s'agit pas là, comme certains incroyants le disent, d'un retour du cléricalisme, mais plutôt du fait, quasi technique, que l'État doit pouvoir désigner symboliquement une référence ultime : ce qui ne saurait être remis en cause. En ce sens, il semble avoir besoin, tout laïque qu'il se dit, d'une « religion civile » – selon l'expression de Rousseau –, d'une métaphysique. L'État de la IIIe République aussi avait une métaphysique, et même des métaphysiques, bien qu'il ne les avouât pas comme telles : la métaphysique du progrès et la métaphysique nationaliste. Toutes deux sont bien émoussées et fatiguées, alors que le grand nombre se découvre culturellement chrétien. Telle est la voie qu'ont d'une manière plus déclamatoire empruntée les nouveaux philosophes. En face de ce consensus, l'indo-européisme redécouvert par la « nouvelle droite » fait plutôt figure de contrepoint comique.[...]
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Écrit par
- Paul THIBAUD
: directeur de la revue
Esprit
Classification
Média
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