CATHOLICISME Le catholicisme contemporain
Prestige externe, crise interne
L'importance de Jean-Paul II est due à ce qu'il a fait preuve d'une grande capacité de mobiliser ces rémanences de l'identité chrétienne. Et cela de plusieurs manières. D'abord en prenant, au-dessus d'un monde livré aux intérêts et à la désillusion, une position d'autorité morale. Il a occupé une place libre : un monde unifié psychologiquement par les médias a besoin d'une instance où se reflète son désir que les peuples ne soient plus abandonnés au jeu cynique des pouvoirs. Ensuite, parce que, venant de l'Est européen, il représentait un peuple qui ne se reconnaissait pas dans son État ; et, parce qu'il était à la tête de la plus grande internationale existante, il s'est comme spontanément placé dans une position qui correspondait à un besoin profond et qui rendait au christianisme (dont l'institution catholique apparaît d'une certaine manière comme le noyau) une place dans la communauté mondiale. La comparaison des discours prononcés par Paul VI en 1965 et par Jean-Paul II en 1979 aux Nations unies est à cet égard instructive. Le premier venait rendre hommage à l'O.N.U. et apporter sa contribution propre à l'œuvre de celle-ci ; le second, s'il commença par exprimer « l'estime » du Saint-Siège pour l'O.N.U., rappela aussitôt que la rencontre des peuples ne pouvait se faire « qu'au nom de l'homme pris dans son intégralité, dans la plénitude et la richesse multiforme de son existence, comme je l'ai dit, précisa-t-il, dans l'encycliqueRedemptorhominis ». C'était implicitement placer l'anthropologie élaborée par la tradition catholique comme fondement de l'ordre international. Ainsi était affirmée la prétention globale du magistère romain au lieu même de l'universalité la plus complète.
Le rapport du pape avec les foules n’a fait seulement que refléter le prestige qui s'attache à sa position, augmenté d'effets « mass-médiatiques » plus ou moins artificiels qui soulignent le talent d'une vedette. Les témoins des voyages pontificaux y ont senti quelque chose de plus sérieux : une extrapolation de la spiritualité bien polonaise du pèlerinage, qui consiste à se déraciner, à se déplacer pour vivre et célébrer le désir d'être meilleur avec les autres, de constituer un peuple marchant vers la cité fraternelle. Le vague des propos tenus à l'occasion de ces grandes rencontres n'en détruisait pas l'efficacité, pourvu que la ferveur jaillît et que, dans la fête, l'image qu'avaient d'eux-mêmes les participants fût modifiée. C'était un catholicisme populaire et festif qui semblait renaître là où passait le pape. Mais on oublie que ce catholicisme n'a peut-être jamais disparu ; en France même, les foules n'ont jamais déserté les grottes de Lourdes.
Prestige externe rétabli, mais crise interne persistante, tel est le diagnostic sommaire que l'on peut avancer du pontificat de Jean-Paul II. Dans une telle contradiction, beaucoup de possibilités restent ouvertes, parmi lesquelles il appartient d'abord au pape de choisir.
Jean-Paul II était évidemment très conscient de la contradiction entre les succès qu'il remportait « hors les murs » et les difficultés auxquelles il se heurtait à l'intérieur. La tactique qu'il essaya intuitivement fut une stratégie populiste : utiliser un charisme consacré par les foules afin de restaurer son autorité sur le clergé (rappelé aux disciplines les plus traditionnelles), sur les théologiens, sur les ordres religieux.
Ce rêve d'une Église qui se saurait propriétaire d'une vérité sur l'homme et qui, par son prestige et sa cohésion, imposerait cette vérité aux sociétés et aux États – rêve qui fut par certains côtés réalité en Pologne –, on a eu parfois[...]
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Écrit par
- Paul THIBAUD
: directeur de la revue
Esprit
Classification
Média
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