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CATHOLICISME Le catholicisme contemporain

Quelle institution ?

L'Église catholique ne saurait échapper à la nécessité d'être absolument moderne, pas plus qu'aucune autre institution. Cela signifie qu'elle doit accepter concrètement la priorité donnée à la conscience individuelle. Beaucoup ne voient là que mollesse, abandon, anarchie, dissolution ; ils évoquent une Église qui prêcherait le grand retour à la tradition et à l'ordre. Pourtant, le dilemme n'est pas nécessairement entre un ordre dogmatiquement constitué et un christianisme vague et ondoyant qui se dissoudrait dans l'air du temps. Le pape voit apparemment très bien que l'institution catholique ne peut subsister si ses fidèles et ses prêtres ne disposent pas de signes à quoi ils se reconnaissent et soient reconnus, mais ceux qu'il propose et même impose apparaissent singulièrement archaïques. D'ailleurs, ces signes peuvent-ils être discernés ou infligés d'en haut ? Ne doivent-ils pas être produits dans la pratique, dans le cours des existences inspirées de l'Évangile et de la tradition, puis vérifiés par la comparaison et la confrontation ?

La popularité que semble retrouver le catholicisme est un signe des besoins auxquels il pourrait répondre, mais ces espérances ne sauraient servir de prétexte pour éluder les redoutables questions posées par la crise interne. Depuis le IIe concile du Vatican, l'institution a survécu dans un état d'anarchie négative, de dispersion clandestine, hargneuse, conflictuelle, non consentie, beaucoup prenant – chacun dans son coin – leurs petites libertés. Une institution qui est dans cet état n'assure plus sa tâche d'organiser la communication dans l'espace (confrontation des diverses expériences) et dans le temps (confrontation avec la tradition).

La déperdition de la mémoire, l'étiolement par isolement qui a marqué beaucoup d'expériences religieuses marginales tentées depuis la fin des années 1960 sont la preuve qu'il est utopique de vouloir vivre sans institution ; la nécessité d'une « réinstitutionnalisation » de l'Église est, pour cette raison, évidente. Reste à savoir si elle se fera par l'invention – en partant de la vérité de ce que vivent les groupes et les personnes, en mettant en cause jusqu'au corpus dogmatique lui-même, jusqu'à cette idée d'une vérité qui serait comme un trésor stocké dans les caves du Vatican – ou, au contraire, en niant comme un mauvais et honteux souvenir la crise qui, durant les années 1980, connut une rémission. Dans cette seconde hypothèse, le pire est à craindre : ou bien un déclin plus grave que celui que l'on vient de connaître, ou bien des affrontements et des ruptures d'une ampleur que l'on imagine mal.

D'une autre manière, on peut dire que le catholicisme semble passer d'une situation où il était affronté à un défi externe, celui des idéologies modernes, à une situation où c'est à l'intérieur de son aire propre que l'Église rencontre ses plus grandes difficultés, qui portent radicalement sur la définition de l'identité chrétienne et catholique.

— Paul THIBAUD

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