CATHOLICISME Le pontificat de Benoît XVI
Une série de faux pas
Soutenue par toutes les forces conservatrices de l'Église, déterminées à tirer parti de la disposition d'esprit du pape pour hâter l'enterrement de première classe du IIe concile du Vatican, la papauté s'est précipitée dans une impressionnante série d'incidents catastrophiques, au point de démontrer que même la plus intelligente des tentatives de retour à l'Église autarcique et antimoderne était vouée à l'échec.
Ce faisant, les catholiques ont pu faire l'expérience de deux phénomènes qui ont entraîné le réexamen du statut traditionnel de la papauté :
– Plus il était touché par ces incidents, plus l'Infaillible a été obligé de se reconnaître faillible, tentant des autocritiques publiques plus ou moins convaincantes et produisant aussitôt des correctifs à ses positions reconnues comme erronées ou inopportunes. Il s'est ainsi donné de nombreuses occasions de démontrer qu'il n'était pas prisonnier de sa biographie de gardien inflexible de la foi et savait tirer les leçons de ses accidents de parcours. Un régime de faillibilité fissurait donc le monolithe, ouvrant sur un pluralisme inédit, expérience d'autant plus paradoxale pour le porte-étendard de la lutte acharnée contre le relativisme moderne.
– Élu pour la finesse de son intelligence, le pape Benoît a bien fait voir que, si considérable fût-elle, l'intelligence théologique ne suffit pas pour gouverner une nef aussi complexe que l'Église catholique sur la mer agitée du xxie siècle. Pour continuer la métaphore nautique, nombre d'observateurs à Rome doutent que la barque de Pierre puisse être bien guidée depuis le nid-de-pie de son grand-mât, alors que le gouvernail est laissé à un équipage de fonctionnaires qui ne partagent pas « l'état de grâce » de la vigie.
Toute une série de malentendus ou d'erreurs ont ainsi ruiné la tentative de reproduire un modèle de monarchie absolue, avec un pape isolé au sommet alors que ses responsabilités sont devenues si lourdes qu'elles ne sont plus supportables pour un homme seul. Le modèle wojtylien de massification mondialiste épuisé, le pape bavarois a inauguré une formule opposée : un primat « académique », exercé depuis une tour d'ivoire. Dans l'un et l'autre modèle la collégialité avec les évêques proposée par le IIe concile du Vatican a rarement opéré.
Le premier incident s'est produit à la fin du voyage en Pologne, 28 mai 2006, lors de la visite des camps d'Auschwitz-Birkenau par le pape, quand il déclara que la responsabilité de l'extermination portait uniquement sur un « groupe criminel » parvenu au pouvoir par de fausses promesses faites au peuple allemand. Les réactions ont été si vives, en particulier dans les milieux juifs, qu'elles contraignirent le pape à préciser qu'il condamnait sans équivoque la haine raciale et l'antisémitisme, même s'il préférait ne pas se prononcer sur le problème de la responsabilité collective du peuple allemand dans la politique criminelle du IIIe Reich.
Nouvelles et plus graves réactions, cette fois dans le monde islamique, lors de la lectio magistralis du 12 septembre 2006, à l'université de Ratisbonne. Le pape cita avec insistance un dialogue en date de 1391 entre l'empereur byzantin Manuel II Paléologue et un savant musulman de Perse, où le prophète Mahomet était décrit comme « violent et inhumain » pour avoir autorisé l'usage de l'épée pour l'expansion de la foi. Quant à la sourate 2, verset 256 du Coran « Il n'y a pas de contrainte en religion », il l'attribuait à la période de prédication du Prophète à la Mecque, lorsque celui-ci était « impuissant et sous la menace ». Au vu des protestations islamiques, il fut immédiatement évident que l'incident était[...]
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Écrit par
- Giancarlo ZIZOLA : professeur d'éthique de l'information à l'université de Padoue, correspondant de presse accrédité auprès du Saint-Siège depuis 1961
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Média
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