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CATHOLICISME LIBÉRAL ET CATHOLICISME SOCIAL

Catholicisme social

L'expression « catholicisme social » est relativement récente : elle n'a été reçue couramment en France que dans la dernière décennie du xixe siècle. La réalité est notablement plus ancienne : l'un de ses historiens, J. B. Duroselle, en fait remonter la première apparition en France à un article de Lamennais sur la démoralisation ouvrière, paru en 1822 dans Le Drapeau blanc. Le retard du vocabulaire sur la réflexion et les tâtonnements entre plusieurs appellations, « économie chrétienne (ou charitable) », « socialisme chrétien », illustrent les incertitudes d'une école qui a hésité avant de prendre conscience d'elle-même, ainsi que les résistances qu'elle a dû vaincre avant d'imposer ses convictions et ses vues à l'ensemble des catholiques.

Si l'on enjambe la longue période des préparations pour aller d'emblée aux conclusions et si l'on fait – provisoirement – abstraction des nuances de pensée pour dégager les composantes fondamentales de l'attitude des catholiques sociaux, on retiendra quelques orientations maîtresses. Le catholicisme social se définit d'abord, logiquement et chronologiquement, par référence à ce qu'on appelle, au xixe siècle, la question sociale, c'est-à-dire les conséquences sociales de la révolution industrielle, le paupérisme, l'existence d'un prolétariat ouvrier misérable et livré sans défense aux rigueurs de la loi de l'offre et de la demande. Cette condition préalable implique elle-même un commencement d'industrialisation ; elle requiert que des catholiques aient su reconnaître la nouveauté du phénomène. La corrélation entre l'essor de l'industrie et l'apparition d'une école catholique sociale rend compte de la localisation territoriale de celle-ci : sa géographie est circonscrite aux pays déjà touchés par le progrès technologique. Elle explique aussi, d'une certaine façon, la lenteur à prendre conscience de la nouveauté et de l'ampleur du phénomène. Le catholicisme social est d'abord un sursaut de la conscience morale provoqué par la révélation de la misère ouvrière. Cette relation avec le monde de l'industrie n'a pas empêché les catholiques sociaux de s'intéresser aussi à la condition paysanne ; leurs efforts se sont largement orientés vers l'organisation de l'agriculture, le syndicalisme agricole ; certains d'entre eux ont même pensé trouver la solution de la question ouvrière dans le retour à la terre.

Un double refus

Refus du libéralisme

Après la reconnaissance de l'existence d'une question sociale vient la volonté d'y remédier. Le catholicisme social ne prend pas son parti de la situation : il ne la croit pas irrémédiable ; la misère de la condition ouvrière n'est pas une fatalité. Il ne la justifie pas non plus, comme une transition nécessaire, par les résultats ultérieurs. Il ne souscrit pas à la thèse libérale qui y voit la conséquence normale du libre jeu des mécanismes économiques. Il refuse d'incliner les exigences de la moralité, les droits de la personne, devant les nécessités de l'économie ou les impératifs du rendement. Il est donc revendication de la conscience morale, protestation volontariste au nom de la liberté de l'homme de façonner son destin. Le catholicisme social – ce trait est particulièrement accusé à ses origines – se présente doublement comme l'adversaire du libéralisme ; non seulement il en récuse les thèses et les maximes, mais il lui impute la responsabilité des maux qui affligent la condition ouvrière : la libre concurrence érigée en règle, l'intérêt particulier élevé à la hauteur d'un principe, le culte du progrès ont engendré cette société inhumaine. Le catholicisme social prend le contre-pied de l'[...]

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Écrit par

  • : président de la Fondation nationale des sciences politiques

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