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CATULLE (82-52 av. J.-C.)

Peu d'œuvres antiques sont aussi fertiles en surprises que les poésies de cet « Alexandrin », avec leurs contrastes de ton, de facture, d'inspiration. Peu d'œuvres antiques, cependant, sont animées, emportées par un souffle lyrique d'une aussi constante authenticité. Le chantre de Lesbie a conféré au sentiment amoureux une nouvelle dimension : une profondeur d'émotion et d'attachement inconnue avant lui, en poésie, dans un cœur masculin.

La vie dissolue qu'a menée Catulle ne l'a point empêché d'être un martyr de la foi en la morale des ancêtres : pietas (soumission à la volonté divine, accomplissement de tous nos devoirs, humains comme religieux), fides (respect de la foi jurée), concordia des unanimi. S'il est resté, à tous égards, marqué par son terroir transpadan, le Véronais n'en reflète pas moins une « urbanité » romaine en pleine mutation, et aussi le climat éthique et oratoire qui fut celui du siècle de Cicéron.

Héritier, certes, de la plus savante virtuosité hellénistique, Catulle a su, en même temps, exploiter toutes les ressources de la langue et de la poésie populaires. Son art fait concourir avec bonheur imagerie, syntaxe et rythmes à la traduction des conflits psychologiques, jusque dans les affabulations des grands poèmes narratifs. Semblable maîtrise artistique triomphe dans une diatribe, souvent très crue, contre les rivaux en littérature ou en amour, ou contre les scandales de la haute société.

Fureur, jalousie, haine font perdre à Catulle toute mesure. Mais l'amitié, le deuil fraternel, le sentiment de la nature, la passion amoureuse ont trouvé, dans ses vers, des accents d'une justesse éternelle.

La critique et ses divergences

Popularité de Catulle

En dehors de certaines périodes médiévales qui semblent n'avoir pas eu connaissance de son œuvre, en dehors aussi de nos xviie et xviiie siècles, rebutés en général par ses « ordures » ou par son « pédantisme », la gloire de Catulle n'a guère connu d'éclipse : pas même auprès des diverses écoles poétiques du xixe siècle, qui s'accordaient à juger la littérature latine inférieure à la grecque.

Favori de notre temps, Catulle n'exerce pas seulement la sagacité des érudits. Il faut aussi noter sa survie dans les mouvements poétiques, musicaux et chorégraphiques : Ezra Pound, Carl Orff, W. Fortner, A. Gürsching, Franz Tischauser, G. Wand.

Exégèses incompatibles

Toutefois, dans la critique savante du xxe siècle, la physionomie du Véronais apparaît sous les traits les plus contradictoires. Selon l'image que nous dessinent de sa personnalité tels ou tels travaux, le lecteur se représentera Catulle comme un agnostique ou, au contraire, un mystique, comme un épicurien apolitique ou, au contraire, un partisan très « engagé » ; il le trouvera plein de scrupules et de délicatesse, ou d'un cynisme éhonté ; il verra dans sa poésie une création instinctive et spontanée ou, à l'opposite, la mise en œuvre très préméditée de la mathématique du nombre d'or !

Les divergences, il est vrai, ne sont pas moins aiguës en ce qui concerne son contemporain Lucrèce, lequel avait pourtant pris soin de prévenir tout malentendu sur ses desseins.

Reposant sur des anachronismes ou sur une sollicitation du texte catullien, toutes ces exégèses trop dogmatiques ont suscité de pertinentes réfutations. Une critique scientifique digne de ce nom n'a garde d'oublier que l'auteur le plus personnel ne saurait échapper complètement à l'emprise de son milieu et de son époque, ni que le lyrisme léger n'a jamais fait bon ménage avec l'hermétisme ou l'ésotérisme.

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Écrit par

  • : agrégé de grammaire, docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Nice

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