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CAUCASE

La résurgence des conflits

La guerre russo-géorgienne d'août 2008, en braquant les projecteurs sur le Caucase, a cruellement rappelé qu'aucun des conflits qui avaient éclaté dans cette région durant la première moitié des années 1990 n'était résolu. En effet, l'effondrement de l'U.R.S.S., par ailleurs plutôt pacifique, s'était traduit au Caucase par des guerres dont l'enjeu portait sur le statut des territoires de l'Ossétie du Sud (1991-1992) et de l'Abkhazie (1992-1993), toutes deux appartenant anciennement à la république socialiste soviétique de Géorgie, du Haut-Karabakh (1992-1994), une province majoritairement arménienne rattachée à l'Azerbaïdjan et, en Russie même, de la Tchétchénie (1994-1996 ; 1999-2004). En dépit de notables différences, ces conflits ont des racines et une logique interne comparables, et ils ont tous profondément modelé les trajectoires post-soviétiques des entités concernées. La Géorgie et l'Azerbaïdjan n'ont jamais renoncé à venir à bout des séparatismes. Ainsi, dans la nuit du 7 au 8 août 2008, dans l'espoir de reprendre le contrôle de l'ensemble du territoire, le président géorgien Mikheïl Saakachvili lançait une offensive sur Tskhinvali, la capitale de l'Ossétie du Sud, provoquant une riposte de l'armée russe qui se postait à une trentaine de kilomètres de Tbilissi. Dans un climat de fortes tensions, le 26 août 2008, Moscou reconnaissait l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud.

Conflits ethniques ou territoriaux ?

Le Caucase est souvent décrit comme une mosaïque de peuples : plusieurs dizaines de groupes parlant leur propre langue et de confessions différentes y vivent sans que les frontières ne les séparent clairement. Ce n'est pourtant pas l'hétérogénéité ethnique – ni d'ailleurs religieuse – en tant que telle qui est conflictuelle. Ainsi, la république du Daghestan, où les populations sont les plus enchevêtrées puisque y sont recensés plus d'une dizaine de peuples, n'a pas sombré dans les affrontements interethniques.

Les conflits n'ont éclaté que lorsqu'un groupe ethnique disposait d'une administration autonome sur un territoire délimité : ils apparaissent donc comme un produit de la fabrique soviétique des territoires. Certains groupes, hiérarchisés en fonction de critères tels que l'existence ou non d'une langue écrite, se sont vu accorder, dès les années 1920, un territoire de statut variable. On aboutissait à une structure en forme de poupées russes, où des républiques et des régions autonomes existaient au sein des quinze républiques fédérées qui constituaient l'U.R.S.S.

Le Caucase du Nord se composait de républiques et régions autonomes rattachées à la République socialiste fédérative soviétique de Russie (Daghestan, Tchétchénie-Ingouchie, Ossétie du Nord, Kabardino-Balkarie, Karatchaïs-Tcherkesses, Adyghés). La Géorgie comptait deux républiques autonomes (Adjarie et Abkhazie), ainsi qu'une région autonome (Ossétie du Sud) ; tandis que l'Azerbaïdjan comprenait une république autonome, le Nakhitchevan, et une région autonome, le Haut-Karabakh.

Fruit des arbitrages bolcheviques entre les différentes nations, de la volonté de soumettre les peuples considérés comme peu loyaux, ou de la conjoncture internationale, ces entités ont pu être jugées artificielles, et elles ont d'ailleurs été parfois modifiées au fils du temps. En outre, le degré d'autonomie dont elles jouissaient était limité – à la différence des républiques fédérées, le droit de faire sécession ne leur était pas reconnu. Néanmoins, en associant un groupe ethnique à un territoire administratif doté d'institutions propres, le pouvoir central soviétique a fourni le cadre pour rendre légitimes les revendications[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Nanterre, journaliste scientifique
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
  • : directeur honoraire de recherche au C.N.R.S.
  • : maître de conférences en science politique à l'université d'Auvergne, chercheur associé au Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen, École des hautes études en sciences sociales
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Médias

Station de ski dans le Dombaï - crédits : Efimova Anna/ Shutterstock

Station de ski dans le Dombaï

Caucase : bioclimatologie - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Gisements de pétrole, Bakou, en 1929 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Gisements de pétrole, Bakou, en 1929

Autres références

  • ABKHAZIE

    • Écrit par
    • 330 mots
    • 1 média

    En bordure de la mer Noire, à l'intérieur des frontières de la république de Géorgie, la république autonome d'Abkhazie couvre un territoire de 8 600 kilomètres carrés. Lors du recensement, contesté, de 2003, la population était de 216 000 habitants ; elle était estimée, en 2006, entre...

  • ADJAR

    • Écrit par
    • 730 mots

    L'une des nombreuses ethnies constituant la nation géorgienne. Les Adjar ou « Adjareli » habitent dans la république autonome d'Adjarie située dans le sud-est de la Géorgie et faisant partie de cette dernière. Recensés jusqu'en 1926 (ils étaient alors 71 390), ils sont désormais...

  • ADYGUÉ ou ADYGHÉ

    • Écrit par
    • 236 mots

    Trois ethnies du groupe adygué (ou adyghé) du Caucase du Nord, les Adygués, les Kabardes et les Tcherkesses se donnent le nom d'« Adygué ». Il semble que les ancêtres de ces deux dernières ethnies partirent de l'ancien territoire adygué, d'une part vers la mer Noire, d'autre part vers le Kouban'...

  • ARMÉNIE

    • Écrit par , , , , , , et
    • 23 765 mots
    • 13 médias
    Partiecaucasienne de la Grande Arménie, sans ouverture maritime, l'Arménie, petit territoire de 29 800 kilomètres carrés, affronte de graves difficultés dues en grande partie à son histoire douloureuse et à son isolement physique et géopolitique. Situé à un croisement géostratégique,...
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