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CAUDILLISME

Élimination du caudillisme

Depuis lors, la vie politique latino-américaine n'a certainement pas cessé d'être agitée, bien au contraire : à partir de 1930 surtout, les coups d'État, parfois aussi les révolutions, se sont multipliés. À l'origine ou à l'issue de ces troubles politiques, le premier rôle a été tenu par l'armée. Les interventions militaires ont été si nombreuses qu'il est difficile d'en faire le recensement, mais, depuis 1930, les armées latino-américaines ont sans doute renversé plus d'une soixantaine de gouvernements.

Au xixe siècle, l'Amérique espagnole avait été bien souvent gouvernée par des dictateurs qui portaient le titre de général et s'étaient emparés du pouvoir par la force des armes – c'était l'ère du caudillisme. Au xxe siècle, l'Amérique espagnole et le Brésil aussi sont bien souvent gouvernés par des généraux ou des colonels qui ont pris le pouvoir par la menace des armes, et il est bien tentant de croire que l'ère du caudillisme continue.

Mais les généraux de l'ère du caudillisme et ceux des armées nationales contemporaines n'ont en commun que le nom : chef d'une clientèle personnelle, le caudillo devait en prendre le commandement dans la guerre civile et y démontrer un courage sans lequel il aurait été vite abandonné ; il prenait donc le titre de général et le conservait. Mais, par profession, beaucoup de ces généraux étaient civils : pour ne considérer que ceux qui se disputèrent le pouvoir pendant les guerres civiles de la révolution mexicaine, entre 1910 et 1934, avant l'élimination du caudillisme par le parti unique, Carranza était un seigneur d'hacienda, Obregón un éleveur de bétail, Zapata un paysan et Pancho Villa un bandit, tous appelés généraux, de même que le dictateur qu'ils avaient chassé du pouvoir, Porfirio Díaz, avocat de son métier. Général de profession ou général de circonstance, le caudillo était un guerrier et non pas un militaire.

Zapata, chef rebelle - crédits : Bettmann/ Getty Images

Zapata, chef rebelle

Pancho Villa - crédits : Topical Press Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Pancho Villa

Le retour d'Obregon - crédits : Fox Photos/ Getty Images

Le retour d'Obregon

Loin de perpétuer le caudillisme, l'existence d'armées régulières, dont les officiers sont animés d'un esprit de corps, est un des facteurs qui ont assuré le déclin du caudillisme : elle rendait impossible l'utilisation d'armées personnelles. Des caciques ruraux pouvaient encore se servir de la fidélité de leurs clientèles dans les élections pour dominer la politique locale, mais ils ne pouvaient l'utiliser contre une armée moderne pour s'emparer du gouvernement par la force. Dans une Amérique latine en évolution, ayant tant de retards à combler, des situations instables se sont renouvelées sans cesse et ont fourni aux armées l'occasion ou le prétexte d'une intervention ; mais les troubles politiques et sociaux furent ceux de classes sociales qu'animent des idéologies ou des intérêts différents et non plus ceux de seigneurs ou d'aventuriers, tous caudillos, qui se disputaient le pouvoir.

Anastasio Somoza, 1970 - crédits : Central Press/ Hulton Archive/ Getty Images

Anastasio Somoza, 1970

Tout au plus le caudillisme, pouvoir purement personnel, a-t-il plus longtemps survécu dans quelques petits pays attardés où les armées étaient demeurées des polices personnelles. En 1961, la dictature de Trujillo en république Dominicaine conservait bien des traits du caudillisme, comme le faisait encore, dans les années 1970, la domination de la famille Somoza sur le Nicaragua. Mais aucun des traits du caudillisme ne s'est retrouvé dans les régimes militaires argentin ou brésilien.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Lyon.

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Zapata, chef rebelle - crédits : Bettmann/ Getty Images

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Pancho Villa - crédits : Topical Press Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

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