CEDH (Cour européenne des droits de l'homme)
Composition et fonctionnement de la CEDH
La Cour peut être saisie par un État (on parle de « requête interétatique ») ou, comme dans l’immense majorité des cas, par un individu ou un groupe d’individus. Un point très important est qu’il incombe en premier lieu aux États parties de protéger les droits garantis par la Convention. Aussi, un requérant ne peut s’adresser à la Cour qu’après avoir épuisé les voies de recours internes : il doit avoir utilisé toutes les voies de droit dont il disposait dans son pays, et avoir invoqué la violation de ses droits. Autrement dit, les tribunaux nationaux doivent avoir eu l’occasion d’éviter ou de mettre fin à la violation des droits. Des exceptions à cette exigence existent pour des atteintes extrêmement graves, tels que des actes de torture ou dans le cas où un recours semble dénué de la moindre chance raisonnable de succès.
La Cour est composée de quarante-six juges, un par État partie à la Convention. Ils sont élus par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à partir de listes de trois noms communiqués par chaque État. La Convention précise qu’ils doivent « réunir les conditions requises pour l’exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire ». Autrefois, un juge pouvait demeurer indéfiniment à la Cour à condition d’être régulièrement réélu. Désormais, le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable. Le juge doit avoir moins de soixante-cinq ans au moment où son nom est transmis. Les juges français ont été, dans l’ordre, René Cassin (1959-1976), Pierre-Henri Teitgen (1976-1980), Louis-Edmond Pettiti (1980-1998), Jean-Paul Costa (1998-2011), André Potocki (2011-2020) et Mattias Guyomar à partir de 2020. Les juges élisent le président de la Cour pour une durée de trois ans renouvelables. Deux Français ont présidé la Cour européenne des droits de l’homme : René Cassin, de 1965 à 1968, et Jean-Paul Costa, de 2007 à 2011.
Selon la complexité des requêtes qui lui parviennent, la Cour se prononce dans des formations de jugement variées. Un juge unique peut rejeter les requêtes manifestement irrecevables (par exemple, si les voies de recours internes n’ont pas été épuisées). Un comité de trois juges peut se prononcer sur les cas faciles, qui font déjà l’objet d’une jurisprudence bien établie de la Cour. La formation de jugement ordinaire est une chambre de cinq ou sept juges. Enfin, la formation la plus solennelle est la Grande Chambre, qui compte dix-sept juges et se prononce sur les affaires les plus difficiles. Elle peut être saisie de deux manières. D’abord, une chambre peut choisir de se dessaisir au profit de la Grande Chambre si l’affaire « soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention » ou « si la solution d’une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour » (article 30 de la Convention). Ensuite, après l’arrêt d’une chambre, une partie à l’affaire peut demander son renvoi devant la Grande Chambre. Ce mécanisme ressemble à un appel, mais il ne s’agit pas d’un droit : un collège de cinq juges exerce une fonction de filtre et n’autorise le renvoi que si l’affaire soulève des questions suffisamment graves (article 43 de la Convention). Par ailleurs, la Grande Chambre peut également rendre des avis consultatifs sur des questions de droit à la demande du Comité des ministres ou d’une haute juridiction d’un État partie à la Convention.
Le juge élu au titre de l’État concerné par l’affaire figure forcément dans la chambre ou la Grande Chambre. Il ne s’agit nullement de garantir à l’État un « représentant » pour le défendre au sein de la Cour, mais plutôt d’assurer la présence au sein de la formation de jugement d’un individu suffisamment au fait de la langue, du droit et du contexte social[...]
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Écrit par
- Thomas HOCHMANN : professeur de droit public, université Paris Nanterre
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