CEDH (Cour européenne des droits de l'homme)
Effets des arrêts de la CEDH
La Cour européenne des droits de l’homme rend chaque année un millier d’arrêts qui touchent à de très nombreux domaines. Ils sont relativement longs comparés aux habitudes des juridictions françaises. En règle générale, l’arrêt relate les faits, expose de manière détaillée le droit pertinent, puis examine chacune des violations de la Convention alléguées, en résumant les arguments des parties puis en développant sa propre analyse. Une autre particularité de la Cour par rapport aux juridictions françaises est que les juges peuvent joindre aux arrêts des opinions séparées, pour exprimer leurs vues personnelles sur la manière dont l’affaire aurait dû être jugée. Les pratiques des juges à cet égard sont très diverses. Le juge français Potocki n’a jamais écrit la moindre opinion individuelle durant l’intégralité de son mandat, tandis que le juge portugais Pinto de Albuquerque a rédigé une multitude d’opinions séparées extrêmement détaillées.
Au fil des années, la Cour a développé un ensemble de critères, de méthodes de raisonnements pour contrôler le respect de la Convention. Cette jurisprudence a eu une profonde influence sur les droits nationaux des États parties. Pourtant, comme le répète souvent la Cour, ses arrêts sont pour l’essentiel « déclaratoires », c’est-à-dire qu’ils consistent d’abord à établir ou à écarter une violation de la Convention. La Cour ne prononce à proprement parler aucune « condamnation », elle n’annule pas de jugement, elle n’abroge pas de loi. Tout juste peut-elle accorder une « satisfaction équitable », c’est-à-dire le plus souvent exiger de l’État qu’il verse une indemnité au requérant. Depuis quelques années, la Cour tend néanmoins de plus en plus fréquemment à exiger d’autres mesures concrètes de la part de l’État. Ainsi, lorsqu’un opposant politique fait l’objet d’une détention illégale, la Cour ne se contente pas d’établir qu’un droit garanti par la Convention a été enfreint, mais ordonne à l’État de le libérer.
Néanmoins, la Cour ainsi que l’essentiel des auteurs considèrent qu’un constat de violation de la Convention fait naître de nombreuses obligations, qu’elles aient ou non été expressément édictées par la Cour. En vertu de l’article 46 de la Convention, les États « s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels [ils] sont parties ». La Cour considère qu’il revient ainsi à l’État de prendre toutes les mesures individuelles ou générales pour faire cesser la violation, en effacer autant que possible les conséquences, voire éviter des violations futures. Les moyens choisis par l’État pour s’acquitter de ces tâches sont soumis au Comité des ministres, qui surveille la bonne exécution des arrêts.
Plus concrètement, l’État est donc censé, par exemple, annuler l’acte qui a enfreint les droits du requérant. Un problème particulier se pose lorsque cette violation de la Convention est le fruit d’un jugement devenu définitif. En France, la loi permet désormais de réexaminer certaines décisions juridictionnelles (en particulier en matière pénale) lorsque la Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’elles étaient contraires à la Convention.
Mais les effets d’un arrêt de la Cour dépassent de loin la situation du requérant. Par exemple, la France a supprimé le délit d’offense à un chef d’État étranger, puis celui d’offense au président de la République, après que la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que des condamnations prononcées sur le fondement de ces lois étaient contraires à la liberté d’expression. L’État n’est pas juridiquement tenu de procéder à ces modifications, mais il y est naturellement conduit s’il souhaite éviter de nouvelles décisions défavorables. Ce phénomène apparaît d’ailleurs[...]
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Écrit par
- Thomas HOCHMANN : professeur de droit public, université Paris Nanterre
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