PIATTI CELESTINO (1922-2007)
Né à Wangen, près de Zurich, Celestino Piatti suit les cours de l'École des arts et métiers de Zurich tout en faisant son apprentissage auprès d'un graphiste. Ses études achevées, il entre dans un atelier d'art graphique de Bâle. En 1948, il crée sa propre agence et organise des campagnes publicitaires, réalise des affiches, des annonces, des illustrations, des mises en pages de revues, des emballages... Quelques années plus tard, il entre au service d'une entreprise de Hambourg ; il y réalise en particulier de nombreuses annonces pour des cigarettes.
En 1967, il signe un important contrat avec une maison d'édition de livres de poche — Deutscher Taschenbuch Verlag (DTV) — qui regroupe un certain nombre d'éditeurs allemands et suisses. Il s'agit de rompre avec les présentations très chargées en couleurs en vogue jusqu'alors et de leur substituer un dessin en noir et en couleurs sur fond blanc, ou noir pour la collection de littérature fantastique. Celestino Piatti relève le défi tant sur le plan de la quantité que sur celui de la qualité. Il réussit le tour de force d'imposer dans chacune de ses réalisations l'image de synthèse du livre et l'image de marque de l'éditeur. L'image de marque, c'est, bien sûr, le style de Piatti reconnaissable entre mille. Ce style, c'est d'abord une façon de cerner les formes colorées d'un trait épais qui rappelle le plomb des vitraux ; c'est aussi, le plus souvent, le choix, métaphorique ou non, d'un animal dont la représentation est simplifiée à l'extrême sans que soit jamais sacrifiée sa valeur affective. En fait, ce bestiaire semble moins emprunté à l'univers quotidien qu'aux chapiteaux des églises romanes.
Cette apparente simplification fait cependant appel à des éléments traditionnels. Piatti adopte la règle des artistes égyptiens qui, dans leurs fresques, montrent des personnages de profil avec un œil représenté comme s'il était vu de face. L'œil tracé par Piatti suit le spectateur. Ce n'est pas l'œil d'un juge, mais celui d'un témoin. Par cette prééminence conférée à la vue, l'artiste suggère au lecteur, au passant qui regarde ses couvertures, ses affiches la nécessité de la vigilance politique : « Un artiste doit prendre part activement aux événements politiques de notre monde. » C'est pourquoi Piatti, dans chacune de ses réalisations, fait œuvre de citoyen s'adressant à d'autres citoyens pour les engager à faire un choix. À cet égard, l'affiche qu'il peint en 1964 pour le Parti libéral — sa meilleure œuvre, peut-être... — fait figure de symbole. On y voit un hibou dont les pattes sont remplacées par un bas de pantalon et des chaussures et dont la tête est divisée par un profil humain. Le hibou est symbole de vigilance, et Piatti en sème de nombreuses images, à tel point que cet oiseau passe à juste titre pour son animal de prédilection. L'affiche créée pour le vingtième anniversaire de DTV (1981) représente aussi un hibou qui tient un livre entre ses ailes. La télévision lui demandera d'ailleurs de faire un film intitulé Les Hiboux de Piatti. C'est derrière un album dont la couverture représente deux hiboux que l'artiste se fait photographier en ne laissant dépasser que le haut de son visage, à partir des yeux.
Dans l'univers souvent austère de la production graphique de son pays, Piatti paraît appartenir à un monde de fantaisie pure. C'est là son paradoxe, il ne simplifie que pour s'adresser à la partie la moins futile de l'individu, l'enfance, pour laquelle la gaieté et le sérieux ne sont pas encore des états distincts. Dans un monde balisé, les images de Piatti sont comme des signaux rappelant à l'individu son rôle, son devoir dans les choix les moins importants en apparence. Parmi les publicitaires,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc THIVOLET : écrivain
Classification