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CENSURE

Au sens propre, le terme « censure » désigne à la fois l'action de condamner un texte ou une opinion, d'en interdire sa diffusion, et l'institution qui prononce cette condamnation. Le terme trouve son origine dans une institution de la République romaine, celle des censeurs, deux magistrats chargés tous les cinq ans d'évaluer (en latin censere) le nombre des citoyens, de les répartir en classes en fonction de leur richesse, et d'exclure de ces listes les citoyens de « mauvaises mœurs ».

Depuis la fin du Moyen Âge, on appelle « censure » une institution officielle qui, pour toute publication d'un écrit ou représentation d'un spectacle, délivre une autorisation préalable et peut exiger pour cela des modifications ou des suppressions de passages de l'œuvre. Une institution de ce type a existé dans chaque pays d'Europe à partir de la Renaissance. Dans la France d'Ancien Régime, elle jouait un rôle central dans la vie politique, religieuse et culturelle. Elle a pratiquement disparu en Occident aux xviiie et xixe siècles, sous l'effet de deux grands processus : d'une part, les transformations politiques qui ont mené de l'absolutisme à l'instauration durable d'un régime parlementaire libéral ; d'autre part, le processus d'autonomisation de la vie culturelle par rapport aux pouvoirs politique et religieux. Cependant, un certain nombre de pays appliquent encore de façon très rigoureuse ce type de censure, notamment l'Arabie Saoudite, la Biélorussie, la république populaire de Chine, la Corée du Nord, Cuba, l'Iran, la Tunisie ou le Vietnam.

En dehors de ces pays à régime autoritaire, le terme est encore employé dans son sens initial pour désigner des instances qui, dans certains domaines culturels (le cinéma, en particulier) ou dans des circonstances particulières, continuent de délivrer des autorisations préalables. Mais, du moins dans le langage courant, le mot est de plus en plus fréquemment utilisé dans un sens élargi, d'une façon en partie métaphorique. On a ainsi pu parler de « censures économiques » pour désigner des mécanismes qui, bien qu'ils n'impliquent aucune institution de censure au sens propre, produisent néanmoins quelques-uns des effets caractéristiques de ces institutions.

Les origines religieuses de la censure

Les réflexions sur la censure ont presque toujours pour point de référence des institutions apparues aux xvie et xviie siècles. Le pouvoir religieux, puis le pouvoir royal, les mettent alors en place pour contrôler la vie culturelle et idéologique, et particulièrement la circulation des écrits. Si cette aspiration à régenter la diffusion des œuvres et des idées susciterait aujourd'hui une large réprobation, ce n'était pas le cas à l'époque. Depuis très longtemps, en effet, l'Église catholique exerçait dans les faits un quasi-monopole sur la vie culturelle, à travers son emprise sur l'ensemble de la société, et spécialement sur l'institution scolaire. Par le biais notamment des premières universités qui se sont développées sous son contrôle à compter du xiie siècle, elle surveillait le travail des copistes et l'activité des libraires.

Mais, à partir du xve siècle, l'écrit tend à lui échapper. L'apparition de l'imprimerie facilite considérablement la reproduction et la circulation des textes. Le succès de l'imprimerie se produit de surcroît dans un contexte de multiplication des crises au sein de l'Église. L'imprimerie semble même prendre une part active dans la diffusion des nouvelles doctrines, comme le montre l'exemple du protestantisme. Durant la première moitié du xvie siècle, le pouvoir pontifical cherche donc des moyens d'empêcher les imprimeurs de « reproduire tout ce qui est contraire ou opposé à la foi catholique ou susceptible[...]

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Journal censuré - crédits : Roger-Viollet

Journal censuré

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