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CENSURE (art)

Images du pouvoir, pouvoir des images

Progressivement abolie dans ses formes historiques dans la plupart des États libéraux modernes, la censure n'a pour autant pas disparu. Elle réapparaît avec force lors de crises politiques graves : de 1914 à 1919, de 1939 à 1945, puis lors des guerres de décolonisation. Les belligérants décrètent l'état d'urgence et instaurent sur toute forme d'expression jugée antipatriotique un contrôle sévère, afin d'empêcher la démoralisation de la population et d'encourager son soutien à leur entreprise guerrière.

Face au régime de cécité que le pouvoir cherche à imposer, tous les artistes ne courbent pas l'échine. Certains redoublent de radicalité dans leurs programmes et leurs principes. La voix iconoclaste des futuristes italiens appelle, au nom de la modernité, à l'éradication du patrimoine et des musées. Ce qui n'empêchera pas une partie du mouvement de se ranger ensuite du côté du fascisme. Le mouvement dada et les expressionnistes s'emploient, chacun à sa manière, à montrer l'horreur de la guerre. Otto Dix avec La Tranchée (1918) livre un cauchemar de sang, de chairs déchiquetées et de fumée, métonymie d'un monde en lambeaux : le musée de Cologne présente le tableau derrière un épais rideau qu'il faut tenir écarté pour le regarder. La toile déchaîne de fortes polémiques, au point que le musée se dessaisit de l'œuvre, qui sera détruite par les nazis. Cette affaire symbolise les fortes crispations des pouvoirs, totalitaires ou démocratiques, vis-à-vis des nouvelles formes de création.

Art officiel - crédits : Keystone/ Getty Images

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Censure et propagande vont de pair : les rappels à l'ordre esthétiques accompagnent les rappels à l'ordre politiques, lorsqu'il s'agit d'empêcher l'existence de visions alternatives à celles des idéologies dominantes. Pendant les dictatures, de Mussolini à Hitler, de Franco à Staline, des répressions cruelles et humiliantes s'adossent à l'édiction autoritaire de normes esthétiques contraignantes, dont le réalisme socialiste offre l'exemple le plus abouti. Malevitch et les artistes suprématistes seront mis à l'index au nom de cette doctrine. En Allemagne, Hitler et Goebbels déclarent une « guerre implacable contre les derniers éléments de la subversion culturelle ». Ce combat passe par le séquestre, la vente et la destruction par autodafés des œuvres modernistes, l'interdiction d'enseigner pour des artistes passibles d'emprisonnement ou de mort s'ils sont juifs. Lors de l'exposition de l' art dégénéré (Die Entartete Kunst) à Munich en 1937, exemple rare d'une censure qui s'expose, les œuvres sont accompagnées de leur prix d'achat, une manière de dénoncer le gaspillage des fonds publics par la République de Weimar.

En démocratie, l'idéologie libérale fait également des victimes : la fresque que Diego Rivera réalise pour le Rockefeller Center de New York (1933), et qui comporte un portrait de Lénine, est détruite. Plus tard, lors de la guerre froide, des guerres du Vietnam et du Golfe, la production d'images – photographiques notamment – est d'autant plus contrôlée que les autorités politiques ont conscience de leur pouvoir sur l'opinion.

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Médias

<it>Rolla</it>, H. Gervex - crédits : Fine Art Photographic Library/ Corbis/ Getty Images

Rolla, H. Gervex

Honoré de Balzac, A. Rodin - crédits : D. Greco

Honoré de Balzac, A. Rodin

Art officiel - crédits : Keystone/ Getty Images

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