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CENSURE

La censure royale

L'écrit est également utilisé contre le pouvoir temporel. Dès le xvie siècle, l'imprimé joue dans toute l'Europe un rôle crucial dans les luttes politiques, en particulier au travers des libelles et des placards. Les opposants au Prince y formulent souvent avec violence leurs attaques. Les monarques s'inquiètent par ailleurs des écrits qui contribuent à diffuser l'hétérodoxie dans leur royaume. Aussi engagent-ils, très tôt après l'invention de l'imprimerie, une politique de répression : les imprimeurs d'écrits séditieux sont sanctionnés par des amendes souvent très lourdes, la prison ou même la potence. Cette politique n'est cependant pas toujours appliquée avec la même sévérité. Elle connaît des assouplissements, en fonction de la conjoncture et de la tolérance du Prince.

En France, sous le règne d'Henri IV, elle semble ainsi avoir été plus légère. C'est sous le règne de son fils, Louis XIII, que s'organise une politique systématique à l'égard de l'écrit. Des institutions permanentes voient le jour pour surveiller tout ce qui est imprimé dans le royaume. Il ne s'agit pas simplement de soutenir la censure religieuse, mais de mettre en place une censure civile, à certains égards concurrente. Ces initiatives qui doivent beaucoup à Richelieu, s'inscrivent dans le cadre de la sécularisation du pouvoir royal et de l'évolution vers la monarchie absolue. L'institutionnalisation de la censure royale participe de la même politique que la création des académies qui se produit à la même époque : il s'agit, pour le pouvoir, de contrôler la vie culturelle afin que celle-ci serve la seule grandeur du roi.

De 1624 à 1653, un système fondé sur le principe du privilège se met ainsi en place. Aucun ouvrage ne peut être publié sans un « privilège du roi » qui accorde à un imprimeur, et à lui seul, l'autorisation de reproduire un texte. Un corps de censeurs est créé. Il examine chaque livre et arrête la version dans laquelle, le cas échéant, le texte est approuvé. L'imprimeur se voit remettre une permission scellée. L'autorisation royale est souvent longuement argumentée et imprimée dans le livre lui-même. La censure, en effet, ne fait pas qu'interdire des textes ; elle est aussi une institution par laquelle le roi recommande des ouvrages à ses sujets. Le système a perduré jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Il a simplement subi des réorganisations, en particulier en raison du nombre croissant des manuscrits. Au xviiie siècle, l'administration de la censure, qui prend le nom de Librairie, a pratiquement la taille d'un ministère.

La presse périodique est soumise à un système reposant également sur le principe du privilège : en 1631, Théophraste Renaudot et ses descendants reçoivent « à perpétuité » le privilège royal d'imprimer les « choses passées et avenues, ou qui se passeront tant dedans qu'au dehors du royaume ». Une presse officielle en position de monopole est ainsi créée : seul le journal de Renaudot, La Gazette, est autorisé. Parce que « seuls les ministres savent distinguer les choses qui doivent être tues et celles qu'il faut donner au public », le gouvernement veille à son contenu. En 1666, Louis XIV et Colbert créent, sur le même modèle, Le Journal des savants qui recense les livres importants en littérature et en sciences. Le Mercure galant, tourné vers le divertissement, voit le jour en 1672.

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Journal censuré - crédits : Roger-Viollet

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