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CENSURE

L'affirmation de la liberté d'expression

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 proclame que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » (article 10) et que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire et imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (article 11). La Révolution française a ainsi supprimé la censure royale. Cependant, la mise en place d'un régime libéral, pour la diffusion des écrits et la représentation des spectacles, ne s'est pas opérée par une rupture brusque, mais au terme d'un double processus qui, entamé au xviiie siècle, ne s'est pas achevé avant la fin du xixe.

La suppression de la censure résulte d'abord des transformations politiques qui ont mené à l'instauration durable d'un régime républicain. Au long du xviiie siècle, nombre de critiques de l'absolutisme s'en prirent à la censure royale, pilier d'un système qui ne pouvait laisser s'exprimer une opposition sans se renier dans ses principes. La proclamation de la liberté d'expression en 1789 s'inscrit dans la continuité de ces critiques. Mais les régimes qui se sont succédé à partir de la Révolution ont rarement permis une liberté effective. À partir des années 1830, si la liberté d'impression pour les livres devient très grande, il en va tout autrement pour la presse périodique. En effet, de 1789 à 1881, la liberté de la presse reste étroitement encadrée, quand elle n'est pas officiellement supprimée. Sous Robespierre et la Terreur, elle n'est déjà qu'une fiction : en principe, elle est reconnue mais, dans les faits, ceux qui en usent contre le régime sont arrêtés. Au xixe siècle, presque tous les régimes mettent en place des dispositifs qui la suppriment ou la réduisent fortement. Bonaparte rétablit ainsi le principe de l'autorisation préalable, avant de procéder à une quasi-étatisation des journaux. Sous la Restauration, un « délit de tendance » est institué, lequel permet des décisions arbitraires. Très souvent, au xixe siècle, les journaux sont soumis à une obligation de cautionnement ou à des taxes spécifiques : le pouvoir politique limite ainsi, par des obstacles économiques, la liberté de la presse. Un régime libéral n'est véritablement institué que sous la IIIe République, avec la loi du 29 juillet 1881, encore en vigueur de nos jours : désormais, « l'imprimerie et la librairie sont libres », « tout journal ou écrit périodique peut être publié sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement ». Les « lois scélérates » de 1893-1894 supprimeront pourtant ce régime libéral pour les publications anarchistes.

La suppression de la censure renvoie à une autre évolution de long terme : l'autonomisation progressive des activités culturelles par rapport aux pouvoirs religieux et politique. Dès le xviie siècle, mais beaucoup plus ouvertement au siècle suivant, des hommes de lettres ou de science revendiquent le droit de douter des dogmes religieux et de s'exprimer sur des questions sociales et politiques. Ils tendent à considérer que la recherche de la vérité ou de valeurs esthétiques mérite d'être poursuivie pour elle-même et qu'aucun pouvoir ne peut lui assigner de limite. Cette aspiration s'affirme définitivement avec les révolutions artistiques du xixe siècle. Les grands procès littéraires, comme ceux que le ministère public intente à Flaubert et à Baudelaire en 1857, constituent, à cet égard, une dernière tentative des pouvoirs temporels pour censurer les écrivains.[...]

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Journal censuré - crédits : Roger-Viollet

Journal censuré

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