CENTENAIRE DE LA RÉHABILITATION DU CAPITAINE DREYFUS
Trois grandes expositions ont marqué le centenaire de la réhabilitation du capitaine Dreyfus, obtenue par l'arrêt historique de la Cour de cassation rendu le 12 juillet 1906, qui avait proclamé la complète innocence de l'officier. Celui-ci avait été une première fois condamné le 22 décembre 1894, par un conseil de guerre qui l'avait jugé sur un dossier communiqué aux seuls juges militaires, en violation des droits de la défense, puis par un second conseil de guerre, le 9 septembre 1899, incapable de s'opposer aux pressions répétées des auteurs de la machination fomentée contre Dreyfus au sein de l'état-major et du ministère de la Guerre.
En 1994 et 1998, les commémorations du premier procès de 1894 et du « J'accuse… ! » d'Émile Zola n'avaient pas, à de rares exceptions près, rendu justice au rôle du capitaine Dreyfus dans l'affaire qui porte son nom. Il restait ainsi le héros méconnu de sa propre tragédie. Pourtant, de son arrestation jusqu'à sa réhabilitation, il n'abandonna jamais un combat dont il savait qu'il dépassait sa personne et mettait en cause les principes mêmes de la démocratie. L'année 2006, en replaçant l'homme au centre de l'histoire, a mis fin à cet étrange consensus qui avait conduit à oublier ou à déprécier le premier acteur de l'événement.
L'exposition créée par le musée d'Art et d'Histoire du judaïsme (MAHJ) à Paris, inaugurée le 13 juin 2006, fut centrée précisément sur la figure du capitaine Dreyfus et sa dimension historique. Le choix de cette problématique découlait à la fois des fonds documentaires qu'avaient légués au musée des descendants d'Alfred Dreyfus et d'une nouvelle historiographie sur l'Affaire (E. Boeglin, L'Affaire Dreyfus en Alsace, Bruno Leprince, Paris, 2006 ; M. Drouin dir., L'Affaire Dreyfus. Dictionnaire, Flammarion, Paris, rééd. augm. 2006 ; V. Duclert, Alfred Dreyfus. L'honneur d'un patriote, Paris, Fayard, 2006 ; Cour de cassation, De la justice dans l'affaire Dreyfus, ouvr. coll., Paris, Fayard, 2006). Le titre de l'exposition, Alfred Dreyfus, le combat pour la justice, résumait l'ambition tant scientifique que patrimoniale des organisateurs. En réalisant cette exposition, le MAHJ exprimait sa double vocation scientifique, en direction de l'histoire du judaïsme et de celle de la France. Il réaffirmait ainsi sa place parmi les grands musées nationaux et mondiaux. En novembre 2006, l'exposition fut accueillie par le Musée juif de Francfort, tandis que des versions fac-similés furent confiées à des musées américains.
L'exposition créée à Aurillac par le musée d'Art et d'Archéologie répondait pour sa part au souci de reconsidérer le patrimoine visuel généralement associé à l'événement. En se dégageant de l'iconographie traditionnellement présentée, à savoir dessins de presse et caricatures, l'exposition se centra sur le patrimoine photographique. L'événement fut en effet un grand moment de production et de diffusion de la photographie. L'Affaire Dreyfus révélée. Photos et photographes dans l'événement présenta pour la première fois un ensemble cohérent d'images photographiques de l'« Affaire » et montra comment celle-ci avait croisé l'histoire elle-même de la photographie. Cette seconde exposition fut elle aussi soutenue par un investissement historiographique qui avait pris la forme d'une histoire par l'image de l'événement (V. Duclert, Dreyfus est innocent ! Histoire d'une affaire d'État, Paris, Larousse, 2006). Le propos introductif de l'exposition, inaugurée le 6 juillet 2006, définissait pleinement l'ambition du musée d'Aurillac : donner « un autre visage à l'affaire Dreyfus, non le rictus effrayant des caricatures[...]
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Écrit par
- Vincent DUCLERT : professeur agrégé à l'École des hautes études en sciences sociales
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