CENTRALISME
Article modifié le
Si on distingue traditionnellement l'État de structure simple – l'État unitaire – et l'État de structure complexe – l'État composé –, certains juristes soutiennent que seul existerait l'État unitaire, détenteur exclusif de la souveraineté. Certes, la confédération n'est qu'une confédération d'États et l'« omnicompétence » qui caractérise l'État fait défaut à la fédération. Mais cette dernière revêt, au moins dans l'ordre international, toutes les caractéristiques de l'État et, dans les faits, ces querelles ne considèrent pas les systèmes intermédiaires existants et les phénomènes politiques qui caractérisent l'évolution des formes d'organisation de l'État. Il devient ainsi de plus en plus artificiel d'opposer les formes d'État entre elles, tant il existe surtout des différences de degrés entre ce qui apparaît être davantage des formes transitoires de compromis que des modèles immuables.
Différentes formes d'organisation étatique
On appelle État unitaire celui dans lequel il n'existe qu'une seule volonté politique : la souveraineté interne appartient donc à l'État. S'il n'existe pas d'État purement centralisé, les autres personnes publiques, notamment les collectivités territoriales, ne sont, dans l'État unitaire, qu'une modalité simplement déconcentrée de l'organisation administrative, comme l'illustre le modèle centralisé français, dit aussi jacobin. La plupart des États unitaires se sont constitués, non sans mal, pour imposer une même conception de la politique sur un territoire à une population hétérogène progressivement unifiée.
Sans développer ici la forme disparue des unions d'État – comme l'Union austro-hongroise –, qui associaient plusieurs États gouvernés par un seul souverain, l'État composé de structure élémentaire correspond, lui, à la confédération d'États : celle-ci réunit des États désireux de maintenir leur sécurité contre les agressions extérieures et permet, selon les mots de Jean-Jacques Rousseau, de « réunir la puissance d'un grand peuple avec la police et le bon ordre d'un Petit État ». La plus ancienne est la Confédération suisse. La confédération repose sur un traité international (et non une Constitution) et fonctionne sur le principe de l'unanimité. La confédération semble souvent être une forme juridique de transition dans l'attente d'un arbitrage politique décisif, comme dans le cas en 1777 de la Confédération des treize colonies britanniques insurgées d'Amérique du Nord, de la Communauté française instituée par l'article 1er et par le titre XIII de la Constitution du 4 octobre 1958, ou de la Communauté des États indépendants qui a fait suite à l'U.R.S.S.
Les États composés à structure complexe se sont multipliés, et l'idée fédérale recouvre de fait des États aux systèmes politiques très différents. Georges Scelle en a souligné en 1932 trois caractéristiques désormais classiques : le fédéralisme implique tout d'abord la superposition – plus ou moins claire, à l'instar du new federalism américain – de plusieurs ordres juridiques sur le territoire d'un État ; il postule ensuite l'autonomie des autorités fédérées, qui disposent d'un pouvoir de décision exclusif, défini constitutionnellement, dans les matières de leur compétence ; il reconnaît enfin le principe de participation qui permet d'associer les collectivités fédérées à la politique fédérale, en qualité d'éléments d'un État commun. Pour les promoteurs du fédéralisme, dont Emmanuel Kant et Pierre-Joseph Proudhon, le fédéralisme est le principe qui garantit le mieux l'autonomie et la solidarité des groupes humains, interdépendants, par-delà le poids des États-nations. Le paradoxe historique est que l'idée fédérale a souvent été instrumentalisée au service de l'unification et de la centralisation et que le fédéralisme est ainsi devenu une théorie de l'État comme le montrent les fédéralistes américains, instaurateurs du new federalism, ainsi que les publicistes allemands de la fin du xixe siècle, Paul Laband et Georg Jellinek notamment, en partie inspirés par Hegel.
L'étude des phénomènes politiques permet de relativiser la pertinence des représentations habituelles. Alors que le fédéralisme est présenté comme allant beaucoup plus loin que la décentralisation dans un État unitaire, on retrouve dans les deux cas des collectivités dotées de compétences propres et d'organes de décision élus, disposant d'une autonomie plus ou moins forte. De nombreuses Constitutions fédérales ont interdit la compétence d'auto-organisation, tandis que des processus audacieux de décentralisation, comme la dévolution du pouvoir du Royaume-Uni au pays de Galles et en Écosse, entreprise à partir de la fin des années 1970, et la régionalisation puis le « fédéralisme administratif », mené en Italie depuis le milieu des années 1990, n'aboutissent pas nécessairement à la forme fédérale. Dans les faits, le fédéralisme semble même le plus souvent aboutir à unir et à centraliser, comme l'ont notamment montré les cas de l'Allemagne, des États-Unis et du Canada. À l'inverse, le cas de la Belgique montre que le passage de la décentralisation au fédéralisme peut être réalisé. Les frontières entre les formes de l'État sont donc également perméables.
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- David ALCAUD : docteur en science politique, chargé de recherche au Centre interdisciplinaire pour la recherches comparative en sciences sociales, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris
Classification
Voir aussi