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CENTRE, symbolisme

Méditant sur le symbolisme du centre, C. G. Jung évoque une image qui, dans l'hindouisme, présente Maya comme une araignée tissant, au centre de sa toile, le monde illusoire des sens. Il s'agit selon lui d'une image adéquate pour exprimer la peur de la conscience restreinte au moi, devant les processus inconscients. Le symbole du centre, symbole d'orientation psychique, permettrait à la psyché personnelle de se frayer lentement un chemin « à travers le chaos apparent » des illusions mises en place par le moi. Laleh Baktiar, dans son livre Le Soufisme, fait remarquer que le symbole de la toile d'araignée recèle une pluralité de niveaux d'interprétation. Rappelant la tradition soufie selon laquelle « je ne suis qu'un message de Dieu à Dieu », Baktiar identifie ce message à la toile « tissée à partir de ce qui est intérieurement transformé ». La forme concentrique patiemment tissée n'est possible que par « une transformation spirituelle intervenant au centre ». Piège, monde de l'illusion sensible et des contraires, mais tout autant chemin de délivrance, œuvre de salut, symbole de transformation, le symbole du centre enserre en soi l'énigme de la connaissance symbolique qui tout à la fois capture et fascine, transforme et sauve. Plus que tout autre symbole, le centre constitue une image paradoxale : il est visible (peint, centre de la croix, du chiasme, du cercle, du carré, etc.), polymorphe (centre de la rose, du maṇḍala, de la roue des contraires, bindu, sommet de la Montagne sacrée, etc.), et pourtant parfaitement invisible — il doit être vécu, éprouvé, retrouvé, recréé au cœur de soi. Le centre s'affirme comme symbole de ce qui est le plus inaccessible à l'être humain, et donc comme ce qui est le plus précieux et le plus rare, mais il exprime tout aussi bien la réalité la plus banale, la chose la plus commune, la vérité la plus facile. C'est ainsi que, pour les traditions alchimiques, la pierre philosophale est à la fois le trésor, l'arcane secret du centre, et en même temps la pierre banale, négligée par tous, voire la réalité la plus vile.

Ce symbole est donc essentiellement ambivalent. Bien des mythes en marquent l'aspect ténébreux, voire démoniaque — ce qui justifie les avertissements préalables à toute quête. L'appel du centre y apparaît comme une calamité tout autant qu'un bienfait. Atteindre symboliquement le centre peut être une renaissance, mais c'est d'abord une mort. Il y a grand risque, car il faut retrouver le chemin du retour, se défaire d'une identification au centre (symbolisé par exemple par le sortilège d'une magicienne qui rend captif le héros).

Le centre est le point origine où le « caché » devient manifeste. Il ne peut donc être qu'unique. Mais, paradoxalement, tout temple, toute enceinte sacrée, toute image symbolique du centre, tout lieu de pèlerinage, tout récit d'une quête sacrée, voire toute recherche de soi, sont potentiellement le centre : chacune de ces matérialisations du centre porte en soi la totalité des forces de la création.

Le centre est partout et nulle part. Lieu de rayonnement et lieu de concentration, lieu de communion de toutes les créatures et lieu de rupture (changement de monde, d'état de conscience, de niveau cosmique), le centre se manifeste tout à la fois comme le sommet (montagne, dôme, pyramide, flèche) et comme le point le plus bas (vallée, coupe, creuset, crypte). Paradoxal par rapport à l'espace, le centre est également paradoxal par rapport au temps : il manifeste à la fois le temps des origines (il est contemporain de la création) et la fin des temps (il révèle le Jugement dernier, l'Eschaton). D'où les pouvoirs oraculaires et les dons de prophétie qui sont associés au centre.

Que ce soit dans sa fonction mythique ou métaphysique,[...]

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