CERCLE, symbolisme
Le cercle est une figure qui exerce une réelle fascination sur l'imagination humaine. Ce fait ne peut être réduit à une simple dimension subjective ; il reflète tout autant une dimension objective, constituant ainsi l'un des archétypes les plus universels.
C'est à travers la révélation de sa forme que Parménide a fondé la métaphysique occidentale, en s'appuyant sur l'intuition d'une identité de l'être et du connaître. De fait, le symbole du cercle semble avoir partout joué le rôle d'un support de méditation pour les rapports de l'apparaître, du connaître et de l'être. C'est ainsi que les grandes oppositions catégoriales, à commencer par celles liées à l'espace et au temps, ont été mises en ordre sur des schèmes circulaires (rose des vents, calendriers, zodiaque, etc.).
À lire ce qu'écrit Platon dans le Timée, le cercle constitue comme une sorte de double face, de Janus morphologique. Il est ce qu'il se donne à voir : forme pleine, homogène, statique, parfaitement fermée sur soi, image de toute clôture ontologique — le cercle du Même. Mais il est tout autant ce qui n'apparaît pas : un vide, un abîme cachant en soi un chemin invisible, principe de toute ouverture de la « forme » sur la « non-forme » — le cercle de l'Autre. Platon marque bien cette nature paradoxale du cercle dans le Thateron, intermédiaire nécessaire entre le Même et l'Autre, le visible et l'invisible, substance biface, à la circularité étrange, paradoxale, lien du monde et de l'âme, qui deviendra dans l'hermétisme hellénisant, puis dans l'alchimie, le « mercure philosophique ». En méditant le cercle, l'âme reprend conscience de cette création de soi et retrouve le chemin du centre caché derrière l'apparente homogénéité de la périphérie.
C'est ce qui a été exprimé traditionnellement comme l'énigme de la « quadrature du cercle ». Enfermé dans le carré logique, le chemin du connaître doit, pour rejoindre le cercle, opérer une transformation du sujet connaissant lui-même. Tel était bien le but de l'alchimie et de l'hermétisme, comme l'atteste la célèbre formule du Trismégiste : « Un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part. » Jung a montré comment, dans l'alchimie, l'« œuvre philosophique » se donne toujours comme circulaire : organon kyklikon, distillatio circulatoria, circumambulatio. Comme le dit un traité taoïste : « Si on laisse la lumière circuler en cercle, toutes les forces du ciel et de la terre, de la lumière et de l'obscurité se cristallisent. »
Tel est bien, pour l'essentiel, le message des différentes religions : atteindre le centre du cercle, c'est rejoindre l'origine et la fin, c'est donc se libérer de sa situation terrestre. De là les symboles circulaires qui peuplent les temples et qui bien souvent sous-tendent leur plan : oculus, rosace, coupole, arc, dôme, tympan roman, bassin à ablution, puits sacré, vasque, coupe sacrificielle. De là l'universalité des rituels circulaires : circumambulatio autour de l'église consacrée, de l'autel, ou d'un arbre sacré, pèlerinage autour d'une stūpa, autour de la Ka‘ba, dans les labyrinthes des cathédrales gothiques, etc. Contempler le cercle, c'est faire l'expérience du Soi, c'est atteindre à l'éveil, à l'illumination, au samādhi, au satori, lorsque tout à coup la circonférence et le centre sont Un. La contemplation, par laquelle se fait l'expérience du cercle de la création, produit le « raptus » de l'âme. C'est ce qu'exprime le symbolisme de l'auréole : par son propre effort, ayant réalisé la traversée du cercle, un humain a atteint son achèvement en se réunissant à Dieu ; le cercle est la forme de la divinisation.[...]
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Écrit par
- Alain DELAUNAY : chercheur au Collège international de philosophie
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