Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

THÉ CÉRÉMONIE DU

L'expression « cérémonie du thé » est une adaptation occidentale du terme japonais chanoyu qui signifie littéralement « eau chaude pour le thé », la simplicité de ces mots n'impliquant aucune notion de cérémonie. Le mot chanoyu était employé au Japon dès le ixe siècle, mais il ne prit l'acception qu'on lui connaît que dans la seconde moitié du xve siècle, une fois définies les règles qui régissent les premières réunions du thé. Son extension se généralisa au début du xviie siècle après que le grand maître de thé de l'époque de Momoyama, Sen no Rikyū (1522-1591), eut imposé son style à ces réunions. Cependant, au milieu du siècle, l'expression Chadō ou Sadō, « la Voie du thé », remplaça progressivement celle de chanoyu pour désigner l'ensemble de règles (sarei) précises régissant la préparation et le service du thé. Au-delà de ces règles, la voie du thé désigne une manière d'être et une esthétique qui s'organise autour d'objets et d'un lieu choisis avec soin.

Jarre en poterie, époque Muromachi, Japon - crédits : Paul Freeman,  Bridgeman Images

Jarre en poterie, époque Muromachi, Japon

Bien que le thé ait été connu depuis le viiie siècle au Japon, c'est au moine japonais Eisai, parti étudier en Chine le bouddhisme chan (en japonais : zen), que l'on doit d'avoir introduit dans son pays, en 1191, de nouveaux plants de thé et une nouvelle préparation de la boisson. Ce breuvage, appelé maccha, un thé vert en poudre battu avec un fouet de bambou afin d'obtenir une boisson mousseuse, est à l'origine associé au rituel des monastères zen où il est servi à diverses occasions, comme l'offrande au bouddha, ou pour maintenir les moines éveillés pendant les longues séances de méditation. Les relations étroites établies entre la classe militaire japonaise au pouvoir et ces temples favorisent la diffusion du thé dans le milieu shogunal au xive siècle. À l'origine consommé pour ses vertus médicinales, il devient prétexte à des réunions raffinées. Cependant, à la différence des dégustations et des concours de thé qui se déroulaient au palais impérial aux ixe et xe siècles, l'atmosphère qui entoure le service du thé au milieu du xve siècle prend une forme très différente, baignée d'une ambiance sinisante (utilisation de chaises hautes chinoises, emploi d'ustensiles chinois). En effet, la reprise des contacts avec la Chine par l'intermédiaire d'ambassades, de moines et de marchands permet l'importation d'œuvres d'art de ce pays. Celles-ci viennent enrichir les collections des shoguns. Des hommes cultivés (dōbōshū), conseillers en matière d'esthétique auprès des shoguns, édictent des règles de présentation des objets chinois (céramiques, bronzes, peintures) dans des alcôves décoratives et sur des étagères disposées dans une grande salle, selon un cadre architectural précis. Au cours des réunions, le maccha est proposé dans des ustensiles exclusivement d'origine chinoise (céramiques à couverte céladon ou brune de type tenmoku). Cette première forme de réunion de thé est généralement désignée sous le nom de shoin chanoyu (cérémonie du thé dans des salles de réception). À la fin du xve siècle, le maître de thé Murata Jukō (1423-1502), moine du monastère zen du Daitokuji, à Kyōto, entré au service du shogun Ashikaga Yoshimasa, réagit contre cet excès de luxe et suggère de nouveaux principes esthétiques. Il préfère des objets plus sobres, associant pour la première fois dans des réunions de thé des pièces japonaises et coréennes à des pièces chinoises. À partir des idéaux de renonciation aux choses matérielles présents dans le bouddhisme zen et en se conformant aux quatre préceptes de la vie monastique (respect, pureté, sérénité et harmonie), il choisit de servir le thé dans une salle de petite taille, ce qui implique une étiquette moins stricte et un certain nivellement de l'ordre[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : conservateur du Patrimoine au Musée national de la céramique, Sèvres

Classification

Média

Jarre en poterie, époque Muromachi, Japon - crédits : Paul Freeman,  Bridgeman Images

Jarre en poterie, époque Muromachi, Japon

Autres références

  • JAPON (Arts et culture) - Les arts

    • Écrit par , , , , , , , , , et
    • 56 170 mots
    • 35 médias
    Au tournant du xvie siècle, les recherches esthétiques des maîtres de thé prennent une orientation nouvelle, délaissant le luxe qui marquait les cérémonies en vogue dans l'entourage du shōgun. À travers les maîtres Takeno Jōō (1502-1555) et Sen-no Rikyū (1522-1591), la cérémonie du...
  • TANG YIN [T'ANG YIN] (1470-1523) ET QIU YING [K'IEOU YING] (1510 env.-1551)

    • Écrit par
    • 1 611 mots
    • 1 média
    Le rouleau du musée de Stockholm, Préparation du thé, daté de 1521, met l'accent sur les deux personnages, le paysage ne servant que de cadre. L'un des hommes veille sur le petit fourneau qui porte la bouilloire, l'autre attend, quelques livres à ses côtés ; des objets simples – un brûle-parfum, un...