CERVEAU ET LANGAGE ORAL
Bases cérébrales de la production du langage oral chez l’adulte
Les régions impliquées dans la production du langage oral sont principalement situées dans le cortex frontal inférieur. Dans une tâche de production de mots, si l’on exclut les effets de l’articulation orale par elle-même, l’aspect lexical de la tâche implique dans l’hémisphère gauche : les gyri frontal moyen (GFM) et inférieur (GFI) gauche, incluant la pars opercularis (BA 44), la pars triangularis (BA 45) et le sillon frontal inférieur (SFI). L’activité de la pars opercularis relèverait davantage de processus liés au séquençage des phonèmes ou au codage articulatoire des séquences à produire. Une tâche de production de parole augmente de manière bilatérale l’activité dans les cortex moteur et prémoteur, l’aire motrice supplémentaire (partie médiane du gyrus frontal supérieur), le gyrus temporal supérieur (GTS), le cervelet, l’insula antérieure, ainsi que le cortex temporo-pariétal gauche et les noyaux gris centraux gauches.
Les substrats cérébraux du langage impliquent également des régions qui assurent la part la plus essentielle du traitement de l’information linguistique : le lien sémantique unissant forme des mots et concepts et l’ordonnancement des mots en phrases.
De manière très synthétique, le système sémantique repose sur les activités combinées de trois groupes d’aires cérébrales, principalement dans l’hémisphère gauche :
– un groupe postérieur (gyrus angulaire, cortex temporal latéral et gyrus fusiforme), qui représenterait des aires de stockage de connaissances plutôt concrètes et « perceptuelles » (par exemple, la forme, en général, des objets manufacturés servant à mesurer le temps ou à donner l’heure) ;
– un groupe préfrontal (cortex préfrontal dorsal et orbitaire postérieur), plutôt impliqué dans la récupération et la sélection des informations sémantiques (par exemple, établir une liste de noms d’objets donnant l’heure et comportant un balancier) ;
– et un groupe inféro-médian (incluant notamment cortex temporal antérieur et périrhinal en particulier), plutôt concerné par l’édification de connaissances abstraites multimodales ou conceptuelles (par exemple, déterminer le point commun entre une montre et une règle graduée).
L’analyse des substrats cérébraux des processus syntaxiques est particulièrement complexe en raison de la combinaison des influences inévitables de processus sémantiques et de la mémoire de travail. Néanmoins, une distinction a pu être établie entre la pars opercularis du gyrus frontal inférieur dans le traitement de l’information syntaxique (accords grammaticaux, canonicité de l’ordre des mots) et celui de la pars orbitalis, impliquée dans le traitement des aspects sémantiques de la phrase. Globalement, le rôle de la région frontale postéro-inférieure serait de maintenir en une unité cohérente l’ensemble d’une phrase alors que d’autres régions notamment temporales supérieures et antérieures participeraient au traitement sémantique des différents éléments de la phrase.
Concernant le décours temporel des activités neuronales correspondantes, des travaux multiples ont permis d’identifier une composante électrophysiologique précoce de localisation frontale gauche (environ 250 ms, à polarité négative) correspondant à un traitement d’informations morphosyntaxiques au sein d’une unité syntaxique telles que l’accord en genre et en nombre dans un groupe nominal, alors que d’autres composantes plus tardives et plus postérieures (environ 600 ms, à polarité positive) sont impliquées dans la vérification de la cohérence d’ensemble de la structure d’une phrase.
L’étude des bases cérébrales du langage oral a connu un essor considérable dans les dernières décennies grâce aux progrès des techniques d’exploration du fonctionnement du cerveau humain. Pourtant,[...]
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Écrit par
- Jean-François DÉMONET : professeur de neurologie, université de Lausanne (Suisse), directeur de recherche à l'INSERM
Classification
Médias