CERVEAU ET PRODUCTION ÉCRITE
L’écriture est à la fois langage et motricité. Langage, car pour exprimer des idées il faut choisir les mots, former des phrases grammaticalement correctes, respecter l’orthographe. Motricité, car il faut coordonner finement les mouvements des doigts et du poignet pour tracer ces mots sur le papier. Écrire implique donc une cascade de processus cognitifs, et la frontière théorique entre ceux qui relèvent du langage et ceux qui relèvent de la motricité n’est pas simple à définir. On considère que l’écriture manuscrite commence quand l’orthographe est fixée : en effet, pour écrire un mot, il est nécessaire de déterminer les lettres qui le composent, et dans quel ordre. À ce stade, on admet que le mot est temporairement stocké dans une mémoire tampon appelée buffer graphémique. Jusqu’à cette étape, les lettres ne seraient représentées que de manière abstraite, et le mot pourrait être aussi bien épelé, frappé au clavier ou écrit à la main. Mais, pour tracer les lettres, il faut faire appel à une mémoire motrice des séquences de mouvements spécifiques à chaque lettre. Lorsque cette mémoire est perturbée, à la suite d'une atteinte cérébrale par exemple, cela entraîne une forme d’agraphie, qui se traduit par des difficultés à former correctement les lettres. Nous ne discuterons ici que de la composante motrice de l’écriture, c'est-à-dire des processus spécifiquement mis en jeu dans l'écriture manuscrite.
Un centre du geste graphique dans le cerveau ?
Après la découverte, en 1861, par Paul Broca, d’un centre du langage parlé dans le cerveau, dont la lésion conduit à des difficultés voire à une incapacité totale à s’exprimer oralement (aphasie), on s’est questionné sur l’existence possible de zones cérébrales dédiées à l’écriture. Une lésion de ces régions du cerveau pourrait expliquer les troubles présentés par des patients incapables d’écrire (agraphie). C’est Sigmund Exner, un physiologiste autrichien qui, en 1881, a mis le premier en évidence un centre cérébral des images motrices graphiques après l’examen post-mortem des cerveaux de quatre patients devenus agraphiques. Cette région localisée dans le lobe frontal, plus précisément dans le cortex prémoteur, est depuis communément dénommée aire d’Exner.
À la suite de ces observations, plusieurs cas de patients agraphiques après une lésion limitée dans le cortex prémoteur ont été étudiés. Ils présentaient tous des atteintes majeures de l’écriture, laquelle se réduisait à des traits spatialement désorganisés. Toutefois, d’autres agraphies ont été décrites après des lésions du cortex pariétal postérieur, autour du sillon intrapariétal. Ces observations cliniques suggèrent donc fortement que certaines parties du cerveau, dans les lobes frontal et pariétal de l'hémisphère gauche pour les droitiers, sont « spécialisées » dans l’organisation des gestes graphiques.
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Écrit par
- Marieke LONGCAMP : maître de conférences, docteure
- Jean-Luc VELAY : chargé de recherche au CNRS
Classification
Média