CERVEAU HUMAIN
Le cerveau cortical
Le siège du psychisme
De tout temps, la nature des rapports entre le cerveau, structure anatomique fonctionnelle de mieux en mieux connue, et ce qu'on appelle l'esprit ou le psychisme a stimulé l'intérêt de l'homme, comme en témoigne l'historique établi par H. Hecaen et G. Lanteri-Laura. Si l'on admet qu'une âme raisonnable « habite » le cerveau, elle serait ainsi cause et principe des sensations et des mouvements volontaires : dans l'âme du cerveau, Galien avait situé l'hegemonikon qui gouverne les nerfs.
Avec Descartes, apparaît la notion d'âme « indivisible », et il place ce sensorium commune dans la glande pinéale. Pourquoi ? Parce qu'elle est médiane. Nous trouvons là un curieux exemple d'extrapolation de l'anatomie à un projet organiciste par lequel, d'une certaine façon, Descartes fait preuve d'esprit de géométrie ! Rappelons aussi ces quelques lignes de La Mettrie, écrites en 1746 dans L'Homme machine (cité par J.-P. Changeux) et qui traduisent une position moniste-matérialiste : « Je crois la pensée si peu incompatible avec la matière organisée qu'elle semble en être une propriété, telle que l'électricité, la faculté motrice, l'impénétrabilité, l'étendue, etc. »
Puis commence la bataille des localisations cérébrales, avec trois noms clés : ceux de Franz Josef Gall (1758-1828), de Paul Broca (1824-1880) et de Korbinian Brodmann (1868-1918). Sans doute faut-il rendre justice à Gall, dont une certaine tradition a fait un phrénologiste dérisoire, alors qu'il a été un remarquable anatomiste du système nerveux central qui voyait dans le cortex cérébral le niveau le plus élevé de l'encéphale. Il est juste de mentionner aussi Bouillaud (1796-1881) qui, d'une certaine façon, fera la transition entre son maître Gall et Broca, dont l'œuvre mettra l'accent sur les territoires fonctionnellement spécialisés du cerveau que sont les localisations sensitives et motrices corticales, en liaison effective avec les nerfs. Brodmann présente enfin une carte du cortex qui atteint la perfection et proclame la liaison étroite entre caractéristiques histologiques et fonctions physiologiques ; pourtant, il ne s'agit toujours que de fonctions élémentaires. Au contraire, H. Jackson (qui a tant inspiré la pensée de H. Ey) défendait une interprétation de type associationniste. Son idée essentielle était celle d'une hiérarchie des fonctions, ce qui d'ailleurs annonce les conceptions plus modernes de niveaux d'organisation et d'intégration.
Le localisationnisme fera l'objet de critiques sévères, que ce soit au nom de la théorie de la forme, défendue notamment par K. Goldstein, ou au nom de la notion d'analyseurs corticaux et de la théorie des réflexes conditionnés due à Ivan Pavlov. Mais la contestation la plus radicale sera le fait des tenants de la position (car ce n'est pas une théorie) du black box (boîte noire), défendue et prônée par les behavioristes et notamment J. B. Watson et ses épigones. Pour cette école, il convient de se limiter à l'observation de ce qu'on constate en amont et en aval et ne pas se préoccuper de ce qui peut se passer au sein du système nerveux central.
Il reste à situer la position, au demeurant complexe, de Sigmund Freud. Il est indubitable que la psychanalyse a engendré un mode de pensée qui a encouragé à pratiquer l'impasse sur le cerveau. Mais il est non moins certain que Freud a toujours été un matérialiste. Sa théorie de l'appareil psychique, exprimée en un système à plusieurs modèles (topique, dynamique, économique), est en relation étroite avec la science de son époque et à maints égards se révèle prémonitoire des théories scientifiques les plus modernes. Néanmoins, après l'abandon de son [...]
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Écrit par
- André BOURGUIGNON : professeur de psychiatrie à la faculté de médecine de Créteil (Université Paris-XII), médecin des Hôpitaux de Paris
- Cyrille KOUPERNIK : docteur en médecine, professeur associé au Collège de médecine des Hôpitaux de Paris
- Pierre-Marie LLEDO : chef d'unité à l'Institut Pasteur, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Bernard MAZOYER : professeur des Universités, praticien hospitalier, docteur en biomathématiques, ancien élève de l'École nationale supérieure (maths), directeur du groupe d'imagerie neurofonctionnelle (UPRES 2127), directeur scientifique du G.I.P. Cyceron
- Jean-Didier VINCENT : professeur des Universités, praticien hospitalier à l'université de Paris-XI, directeur de l'Institut de neurobiologie Alfred-Fessard
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