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MILSTEIN CÉSAR (1927-2002)

Article modifié le

César Milstein - crédits : MRC Laboratory of Molecular Biology

César Milstein

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César Milstein est un biochimiste britannique d'origine argentine qui a reçu, avec l'Allemand Georg J. F. Köhler (1946-1995) et le Danois Niels K. Jerne (1911-1994), le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1984. Le nom de Milstein, comme celui de Georg Köhler, reste associé à l'une des grandes découvertes technologiques de l'immunologie moderne : la fabrication des anticorps monoclonaux, c'est-à-dire d'anticorps tous identiques produits par un clone unique de lymphocytes B.

Le parcours de César Milstein illustre l'histoire tourmentée du xxe siècle. Né à Bahía Blanca en Argentine le 8 octobre 1927, au sein d'une famille d'immigrés juifs russes, Milstein fait ses études à l'université de Buenos Aires jusqu'à l'obtention d'un doctorat de chimie, où l'enzymologie tient une place prépondérante. En 1958, il rejoint l'université de Cambridge et obtient un second doctorat en 1960. C'est là qu'il rencontre un scientifique exceptionnel, le biochimiste Frederick Sanger, deux fois lauréat du prix Nobel de chimie (1958 et 1980). Après un bref retour dans son pays d'origine de 1961 à 1963, Milstein émigre de nouveau à la suite d'un coup d'État militaire, considérant qu'il n'est plus possible de faire de la recherche en Argentine dans des conditions matérielles et intellectuelles acceptables. Il rejoint alors Sanger au laboratoire de biologie moléculaire du Medical Research Council de Cambridge, qui vient d'être créé et est dirigé par un autre Prix Nobel de chimie (1962), Max F. Perutz. C'est donc entouré de biochimistes et de biologistes moléculaires exceptionnels que Milstein va mener ses travaux, de plus en plus tournés vers l'immunologie moléculaire et plus précisément vers l'étude des anticorps.

Les anticorps sont des protéines sécrétées par des globules blancs, les lymphocytes B. Ils circulent dans l'organisme et sont présents en grande quantité dans le sérum. Ils neutralisent et aident à l'éradication d'agents infectieux, de toxines, ou de cellules cancéreuses. Cette capacité remarquable qu'ont les anticorps à reconnaître pratiquement n'importe quelle molécule est liée à leur diversité, c'est-à-dire à l'extraordinaire hétérogénéité de leur structure. C'est l'étude de cette diversité et de ses fondements moléculaires qui a conduit Milstein et Köhler – lequel, à l'époque, était un jeune chercheur venu effectuer son stage postdoctoral dans le laboratoire de Milstein à Cambridge – à mettre au point l'obtention d'anticorps monoclonaux, découverte essentielle pour la biologie de la fin du xxe siècle.

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Lors d'une réponse immunitaire induite par la présence d'une molécule du « non-soi » (antigène), de nombreux lymphocytes B sont activés, prolifèrent et donnent naissance à des clones de cellules. Chaque clone produit un anticorps particulier qui est caractérisé par sa séquence en acides aminés, déterminant sa spécificité. La réponse est dite polyclonale. La technique – mise au point par Köhler et Milstein, et décrite dans la célèbre revue anglaise Nature (G. Köhler & C. Milstein, « Continuous Cultures of fused cells secreting antibody of predefined specificity », vol. 256, 1975) – a permis d'isoler et d'immortaliser les clones de lymphocytes B activés par un antigène et produisant des anticorps contre ce dernier. Il est ainsi devenu possible de produire des quantités illimitées d'anticorps homogènes, ayant tous la même spécificité. Köhler et Milstein ont en effet fusionné des lymphocytes tumoraux avec des lymphocytes B provenant d'animaux préalablement immunisés, et obtenu ainsi des cellules hybrides, ou hybridomes, produisant des anticorps in vitro : chaque hybridome obtenu conserve la capacité, d'une part, du lymphocyte B fusionné à produire l'anticorps dirigé contre la molécule avec laquelle les animaux avaient été immunisés et, d'autre part, de la cellule tumorale à se multiplier indéfiniment. Les hybridomes sont ainsi de véritables usines à produire des anticorps homogènes et de spécificité unique.

Les connaissances de mécanismes tels que la communication intercellulaire, l'adhérence ou la migration cellulaire ont remarquablement progressé grâce aux anticorps monoclonaux. Parallèlement, ceux-ci ont révolutionné le diagnostic, avec l'apparition rapide de tests plus fiables, très spécifiques et très sensibles. Enfin, bien que l'enthousiasme initial ait été suivi d'un fort scepticisme quant à leur potentiel thérapeutique, des résultats cliniques obtenus depuis la fin des années 1990, et en particulier la simplification des stratégies d’humanisation des protéines, concourent à faire des anticorps monoclonaux des candidats de choix dans le traitement de pathologies pour lesquelles l'arsenal thérapeutique reste limité. On les trouve actuellement en première ligne dans le traitement de cancers résistant à la chimiothérapie, et dans celui de maladies infectieuses comme la Covid-19.

César Milstein s'est éteint à Cambridge le 24 mars 2002.

— Jean-Luc TEILLAUD

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Écrit par

  • : directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale

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Média

César Milstein - crédits : MRC Laboratory of Molecular Biology

César Milstein

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  • ANTICORPS MONOCLONAUX

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  • IMMUNITÉ, biologie

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    ...protéines de myélome n'ont pas de spécificité de reconnaissance connue. Cette difficulté a été tournée avec la découverte des hybridomes par Köhler et Milstein, en 1975. Le principe consiste à fusionner in vitro des lymphocytes B d'une souris, stimulée par un antigène X, avec une lignée de myélome...
  • KÖHLER GEORGES (1946-1995)

    • Écrit par
    • 541 mots

    Immunologiste allemand, Prix Nobel de physiologie ou médecine en 1984 (conjointement à César Milstein et Niels Jerne), pour le développement d'une technique de production d'anticorps monoclonaux. Ces molécules protéiques pures, toutes identiques, capables de reconnaître avec une...

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