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VALLEJO CÉSAR (1892-1938)

« Pour exprimer ma vie, je ne possède que ma mort »

Écrites entre 1923 et 1937 les pièces groupées sous le titre Poemas en prosa, poemas humanos expriment en un long soliloque les mêmes obsessions, la même méditation sur le destin de l'homme « vivant, entrant en fureur, / frappant, analysant, entendant, frémissant, / mourant, se soutenant, se situant, pleurant [...] ». Le langage du poète jaillit comme une source tumultueuse, lumineuse ou troublée selon les mouvements de l'émotion. Il s'agit toujours de rendre compte d'un cheminement intérieur dans les ténèbres et la souffrance, que traversent de grands élans d'espérance, un désir brûlant de bonheur, de plénitude, d'éternité. L'accumulation des symboles, des images, des métaphores n'est pas sans rappeler l'écriture automatique des surréalistes. L'expression martelée, crispée, tendue à se rompre semble soudain se figer, en arrêt devant l'indicible. Ces poèmes disent l'incertitude et la détresse, tout en affirmant un inébranlable rêve de solidarité humaine :

La douleur nous empoigne, frères hommes,de dos, de profil,nous rend fous dans les cinémas,nous cloue dans les gramophones,nous décloue dans les lits, tombe perpendiculaire sur nos billets, sur nos lettres...

Inspirées par la lutte du peuple espagnol contre l'insurrection franquiste de 1936, les quinze compositions intitulées España, aparta de mí este cáliz sont un chant de révolte et d'exaltation de l'idéal républicain. Le sacrifice et la mort des combattants, l'évocation de la patrie vénérée comme la Mère symbolique, le rêve d'un avenir où la conscience collective réunira les hommes séparés, ces thèmes, dans des tonalités d'amertume et de désespoir, manifestent l'engagement politique et social du poète. L'acuité des sentiments, l'intensité de l'intuition dans la reprise des motifs qui font la trame de la poésie de Vallejo (le temps, le mal, l'éternité, le bonheur...), l'âpreté du langage donnent à ces poèmes la densité grave et douloureuse d'un message tragique :

Oh vie ! oh terre ! oh Espagne !Onces de sang,mètres de sang, liquides de sang,sang à cheval, à pied, mural, sans diamètre,sang de quatre en quatre, eau faite de sang,et le sang mort du sang vivant !

— Bernard SESÉ

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

Classification

Autres références

  • AMÉRIQUE LATINE - Littérature hispano-américaine

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    • 16 963 mots
    • 7 médias
    On retombe dans le désespoir avec El tungsteno (1931), du Péruvien César Vallejo (1892-1938), sur l'exploitation des Indiens dans les mines, et certains romans équatoriens produits par le « groupe de Guayaquil », dont le membre le plus fameux fut Jorge Icaza (1906-1978) ; son Huasipungo...