CÉSAR (101-44 av. J.-C.)
L'écrivain
Mémorialiste et propagandiste
César ne fut pas un homme de lettres ; aristocrate désargenté, il ne vécut jamais de sa plume, mais il reçut à domicile une parfaite formation littéraire de son maître, le rhéteur et grammairien M. Antonius Gnipho, puis à Rhodes en 76-74 du célèbre Apollonios Molon. Pour les contemporains, son éloquence valait celle de Cicéron. Jeune, comme tout Romain de ce milieu cultivé, il avait taquiné la muse : sa louange d'Hercule et sa tragédie Œdipe, témoignages de l'influence grecque qui s'était exercée sur ses années de formation, n'ajoutaient rien à sa gloire ; l'empereur Auguste prescrivit à son délégué aux bibliothèques de les faire disparaître ainsi que les Apophtegmata, recueil de bons mots, tels que « ueni, uidi, uici ». Écrire étant alors le passe-temps des hommes cultivés, César, en 55 ou 54, durant une traversée des Alpes, écrit un traité sur la langue latine, le De analogia, répliquant à certaines théories du récent De oratore de Cicéron ; allant en Espagne (fin 46) combattre S. Pompée, il compose un autre poème, Le Voyage (Iter). En 45, il publie un pamphlet en deux livres, les Anticatones, pour combattre l'effet moral produit par le suicide héroïque de son adversaire, Caton d'Utique.
On a parlé, pour La Guerre des Gaules, de rédaction annuelle ou par tranches (Mommsen, S. Reinach, Halkin, Carcopino). L'unité et la cohérence de la pensée semblent garantir que les sept livres ont été rédigés à la fin de 52 dans les quartiers d'hiver de Bibracte (mont Beuvray, près d'Autun). Entre 48 et sa mort, probablement entre octobre 45 et mars 44, César préparait les livres sur La Guerre civile, qui semblent avoir été publiés, dans un état d'inachèvement relatif, après sa mort, par Antoine d'abord, qui détenait tous ses papiers, puis par Hirtius, un fidèle collaborateur, qui fit reprendre depuis le début toute l'édition de La Guerre des Gaules et en écrivit un huitième livre (années 51 et 50) pour assurer la continuité des commentaires césariens.
Ces récits étaient pour César un moyen de rester présent dans l'opinion, soit quand il était retenu en Gaule, soit quand il allait partir pour une longue expédition orientale. Grand fut le succès de La Guerre des Gaules dans le milieu politico-littéraire que constituaient sénateurs et chevaliers participant aux affaires. La forme leur était accessible comme l'est aux modernes celle d'un article de revue. Les Romains appelaient commentarius (même racine que reminiscor ou memini « je me souviens ») tout écrit destiné à conserver une documentation. Les commentarii sont des mémoires, des carnets. S'ils constituent un genre, imité entre autres par Blaise de Montluc, c'est grâce à la réussite de César.
Une chronique dépouillée
Arguant d'un usage contemporain, César présenta La Guerre des Gaules comme un canevas qu'il invitait les historiens professionnels à rehausser. Ce faisant, il atteint un équilibre parfait entre narration dépouillée et embellissement oratoire, au moment même où le genre historique cherche à Rome sa forme. La méthode de travail est, elle aussi, intermédiaire. Alors qu'un historien élabore des matériaux provenant d'autrui, César mémorialiste fait entrer le contenu de ses dossiers dans des livres de forme annalistique, l'annalistique étant à Rome le cadre traditionnel des plus vieilles chroniques, où la matière est répartie, découpée année par année, saison par saison. Le cadre de La Guerre civile est un peu différent, puisque les deux premiers livres correspondent à la seule année 49, mais certains manuscrits les présentent comme un livre unique, indice d'une hésitation qui remonte peut-être à César lui-même, dont la manière aurait commencé à évoluer.
Le dossier comprenait[...]
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Écrit par
- Claude NICOLET : maître de conférences à la faculté des lettres et sciences humaines de Caen
- Michel RAMBAUD : professeur à la faculté des lettres, université Jean-Moulin
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Médias
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