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PAVESE CESARE (1908-1950)

Auteur parmi les plus marquants et les plus discutés de l'après-guerre, Pavese a été victime de sa célébrité, qui a fixé son image comme un cliché : il est l'écrivain qui a vécu une période historique tragique et confuse, qui a été tourmenté par le sens à donner à sa présence au monde au point de quitter la scène plutôt que d'y jouer un rôle qui lui était étranger. Ses comportements, les caractéristiques de son œuvre refléteraient une inaptitude fondamentale à la vie, une irrémédiable infirmité psychique. À preuve son suicide dans une chambre d'hôtel un soir d'août 1950, alors qu'il est au sommet de sa gloire. Ainsi le dernier geste d'un homme a couvert de son ombre l'ensemble de sa production et en a orienté les lectures. Faisant appel à la solitude, à l'échec, à l'impuissance, celles-ci ont figé une biographie psychologique et idéologique que les données biographiques ne semblent pas justifier complètement.

Du réel au symbolique

Pavese est né à Santo Stefano Belbo, dans ces collines piémontaises qu'il aimait tant. Son père, modeste greffier auprès du tribunal de Turin, y possédait une maison. Il meurt d'une tumeur cérébrale quand son fils a six ans. Confrontée aux difficultés économiques, sa mère, femme peu expansive et rigide, élève ses deux enfants d'une main ferme. Pavese fréquente le collège des jésuites, puis le lycée Massimo d'Azeglio où il se lie d'amitié avec Giulio Einaudi, Leone Ginzburg, Massimo Mila. Leur professeur d'italien est Augusto Monti, écrivain et pédagogue exceptionnel pour qui exigences éthiques, civisme et culture ne sauraient être séparés. Dans le premier après-guerre, Turin est une ville très industrialisée et un centre de luttes politiques. Tout l'éventail de l'antifascisme est présent dans le débat culturel. La ville est l'un des bastions du courant crocien, et la méthode historique fait école chez les littéraires. Ajoutons à cela la riche tradition éditoriale du Piémont et l'on comprendra la haute idée que ces jeunes gens se font du travail intellectuel. Dès 1931, Pavese commence à publier ses traductions de Sinclair Lewis, Sherwood Anderson, Herman Melville, James Joyce, Dos Passos, tandis que dans de longs articles il révèle au public italien la littérature américaine. Il ne se prive pas de défendre la liberté, comme dans son premier essai de 1930 sur Sinclair Lewis : “Au fond, la soif de ces personnages est une et une seule : la liberté. Liberté pour les individus face aux chaînes irrationnelles de la société [...]. Ce ne sont pas des surhommes, au contraire, ce sont des êtres ordinaires, même quand ils ont du génie.” En 1933, Giulio Einaudi fonde sa maison d'édition avec l'aide de ses amis, dont Pavese. Les collaborateurs sont surveillés par le régime fasciste. Arrêté le 13 mai 1935 – il a servi de boîte aux lettres pour la femme qu'il aime, une militante communiste –, Pavese garde le silence pendant le procès ; condamné à trois ans de confino en Calabre, il bénéficiera d'une remise de peine à la suite des victoires italiennes en Éthiopie. Rentré à Turin le 18 mars 1936, il apprend que “la femme à la voix rauque” dont il est amoureux vient de se marier. Ce sera sa première grande déception amoureuse. Il venait de lui adresser son premier recueil de vers, Travailler fatigue (Lavorare stanca, 1936). À partir d'un rythme ternaire anapestique, Pavese crée une cadence monotone, obsédante qui suscite de fugitifs moments intérieurs par l'entremise de personnages ordinaires. Avec une pointe d'orgueil, dix ans plus tard, il rappellera que, lorsque la poésie italienne était “un silence souffert”, il dialoguait pour sa part en prose et en vers avec des paysans, des prostituées, des prisonniers. Un second recueil sortira posthume sous le titre [...]

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