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SIEPI CESARE (1923-2010)

Dans les années 1950, les plus grandes baguettes du xxe siècle (Wilhelm Furtwängler, Josef Krips, Fritz Reiner, Dimitri Mitropoulos et Karl Böhm) se disputaient ce Don Giovanni ravageur. À l'image d'Ezio Pinza, la basse italienne Cesare Siepi s'était en effet approprié le rôle des rôles mozartiens. Formé à la meilleure école, Siepi en avait hérité la façon de placer la voix, le style ample et la fermeté du trait. Son timbre, particulièrement riche en harmoniques cuivrés, s'accordait idéalement aux exigences verdiennes, comme ce fut le cas pour son Filippo II, dans Don Carlo, avec lequel il inaugura en 1950 un règne de près d'un quart de siècle au Metropolitan Opera de New York. Il faudrait citer encore son Padre Guardiano dans La Forza del destino, son Procida dans Les Vêpres siciliennes ou son Jacopo Fiesco dans Simon Boccanegra. Les basses chantantes de l'opéra français, tel le Mephisto du Faust de Gounod, ou russe, tel le Boris de Moussorgski, trouvaient en Cesare Siepi un interprète profus, doublé d'un exécutant de haut vol, sacré par Salzbourg pour ses Mozart de grand seigneur et ses Verdi d'imposante stature.

Cesare Siepi naît le 10 février 1923, à Milan. Se destinant à une carrière d'instituteur, il se forme au chant principalement en autodidacte, ne prend que quelques leçons au Conservatoire de Milan et se produit au sein d'une formation de madrigalistes. Mais, sur les conseils d'un ami, il se présente, à l'âge de dix-huit ans, à un concours de chant à Florence, dont il remporte le premier prix. Il débute immédiatement sur scène, en 1941, en incarnant Sparafucile (Rigoletto de Verdi) au Teatro Civico de Schio, près de Vicence. Antifasciste, Siepi fuit l'Italie mussolinienne et se réfugie en Suisse, où il peut travailler sa voix. Après la fin des hostilités, il regagne l'Italie, où il incarne Silva (Ernani de Verdi) et Zaccaria (Nabucco de Verdi), d'abord à La Fenice de Venise, puis pour ses débuts à la Scala de Milan, en 1946, sous la direction de Tullio Serafin. Deux ans plus tard, il est choisi par Toscanini pour chanter à la Scala le rôle-titre de Mefistofele, à l'occasion des célébrations du trentième anniversaire de la mort d'Arrigo Boito. Siepi étend son répertoire à Ramfis (Aïda de Verdi), Padre Guardiano, Colline (La Bohème de Puccini), Giorgio (I Puritani de Bellini). Sa carrière internationale prend son essor.

Le 6 novembre 1950, Cesare Siepi fait ses débuts au Metropolitan Opera de New York, remplaçant au pied levé le Bulgare Boris Christoff, auquel un visa d'entrée aux États-Unis venait d'être refusé parce qu'il était originaire d'un pays associé à un parti totalitaire : Siepi incarne Filippo II dans Don Carlo (première production au Met du nouvel administrateur général, Rudolf Bing) ; à ses côtés débute également au Met Fedora Barbieri (Eboli). Siepi va être une des stars de la troupe du Met durant 23 saisons consécutives, y chantant 18 rôles lors de 491 représentations. Parallèlement, il se produit sur les plus grandes scènes à travers le monde : festival de Salzbourg, Scala de Milan, Maggio Musicale de Florence, Staatsoper de Vienne, Covent Garden de Londres, Opéra de San Francisco... Sa voix de basso cantante (« basse chantante ») lui permet de chanter les rôles de basse aussi bien que ceux de baryton. Il incarne le Cardinal Brogni (La Juive de Jacques Fromental Halévy), Jacopo Fiesco, Padre Guardiano, Baldassare (La Favorita de Donizetti), Alvise (La Gioconda de Ponchielli), le rôle-titre de Boris Godounov de Moussorgski, Oroveso (Norma de Bellini), Don Ruy Gomez de Silva (Ernani de Verdi), Gurnemanz (Parsifal de Wagner). Il chante le rôle-titre des Noces de Figaro et triomphe en 1953 au festival de Salzbourg avec son formidable Don Giovanni, raffiné et fascinant, au côté d'Elisabeth[...]

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Écrit par

  • : critique musical, agrégé de lettres modernes

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