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CÉSAROPAPISME

Césaropapisme : ce mot anachronique a été forgé dans la seconde moitié du xixe siècle, pour définir l'absorption par l'empereur (césar-), souverain temporel, des fonctions spirituelles dévolues au chef de l'Église chrétienne (-pape).

Le problème des relations entre l'État romain et l'Église chrétienne s'est trouvé posé dans la prédication même de Jésus : « Rendez à César ce qui est à César » (Matthieu, xxii, 21 ; Luc, xx, 25), et dès les premiers temps apostoliques. Car la conception antique de l'autorité politique était sacrale et les chrétiens, reconnaissant que « toute autorité vient de Dieu » ne pouvaient admettre la déification du souverain ou de l'État. Que l'empereur se convertisse et fasse à l'Église une place privilégiée dans les structures mêmes de l'État romain, la tentation de confondre les destinées de l'Église triomphante avec celles de l'Empire désormais chrétien était grande. Il est dès lors plus difficile de délimiter la frontière entre Église et État, car, en devenant chrétiens, les empereurs des ive et ve siècles n'ont pas renoncé à leur toute-puissance monarchique ni au vieil idéal d'une royauté sacrée. La mainmise de l'État sur l'Église s'est réalisée en trois étapes ; mais, plutôt que de retracer les multiples péripéties des relations Église-État, mieux vaut examiner les doctrines et les théories en présence, afin de montrer comment une théologie politique chrétienne a, tout naturellement, pris le relais des théories païennes sur la divinisation du pouvoir.

L'héritage païen

L'une des caractéristiques essentielles de la civilisation romaine était l'étroite subordination de la religion à la vie politique de l'Urbs, la cité. Le même personnel assurait la conduite des affaires de la cité et les relations avec ses dieux protecteurs. Depuis Auguste, la monarchie impériale puisait ses forces les plus profondes dans l'union, en un même personnage, de toutes les magistratures civiles, militaires et religieuses ; il était ainsi fait retour à l'antique tradition d'une royauté sacrée, seul canal de la « paix des dieux » et seule garante de la prospérité collective.

Auguste, étant à la fois le maître des destinées politiques de l'Empire et le pontifex maximus, chef de la religion romaine, a incarné, de même que ses successeurs, cette unité profonde de la cité romaine, tandis que, sous l'influence des idéologies hellénistiques, se développait autour de la personne impériale un culte très rapidement devenu le lien qui unissait dans une commune fidélité politique les populations, par ailleurs si diverses, de l'orbis romanus. Toute une théologie politique païenne définit l'empereur-pontife, fils d'un être divinisé par l'apothéose, comme un candidat à la divinisation, comme un être directement inspiré des dieux, « prêté par les dieux protecteurs pour la félicité du genre humain ». La confusion entre fidélité politique et foi religieuse est telle que tout refus du culte impérial est naturellement ressenti par les païens comme une trahison envers Rome. Ce fut l'origine d'un certain nombre de persécutions contre les chrétiens.

Car la position chrétienne est délicate, ambivalente. Certes, Jésus avait affirmé : « Mon Royaume n'est pas de ce monde » ; mais les fondateurs des premières Églises, Pierre et Paul, avaient conseillé à leurs fidèles une entière soumission aux autorités établies : « Toute autorité vient de Dieu » (Romains, i, 1 ; I Pierre, ii, 13-16 ; Romains, xii, 1-6 ; I Timothée, ii, 2). Cette obéissance des chrétiens au pouvoir établi, impliquant le devoir de prier pour les princes, fut constante, et les Apologistes du iie siècle ne manqueront pas d'insister sur ce loyalisme politique.[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur de l'Institut de recherches pour l'étude des religions

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300 à 400. Christianisme - crédits : Encyclopædia Universalis France

300 à 400. Christianisme

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