CÉSAROPAPISME
Byzance, de 565 au milieu du XIe siècle
Justinien légua donc à ses successeurs le césaropapisme qu'il avait lui-même hérité. La compétence religieuse du prince était inscrite dans l'idéologie impériale, elle répondait à la conjoncture politique en même temps qu'à un idéal religieux, elle comblait enfin certaines lacunes de l'organisation ecclésiastique. Elle garda toute sa vitalité de Justin II à l'avènement des Comnènes (1081), à la différence près qu'elle subit le contrecoup de la « byzantinisation » de l'État romano-hellénistique. On peut distinguer deux phases : avant et après le conflit iconoclaste (726-843).
Avant la crise iconoclaste
Cette période montre l'immixtion de l'empereur dans la discipline et le dogme, à travers un Empire encore « multipatriarcal ». Dans le domaine administratif, le souverain retouche à son gré les circonscriptions ecclésiastiques fondamentales, à l'avantage de l'évêque de la capitale. En 666, Constant II érige Ravenne en siège autocéphale. En 733, Léon III continue de mutiler le ressort de Rome, en l'amputant de la Sicile, de l'Illyricum et de la Crète. Ces mesures ne heurtent que le pape, qui n'y voit d'ailleurs qu'une injustice, tant est peu contestée la liberté d'action du prince.
L'empereur confirme l'élection des chefs suprêmes de l'Église, personnellement ou par son représentant (pour l'Italie, l'exarque de Ravenne). En fait, l'électorat canonique se conforme à ses indications. Le souverain dépose les patriarches suivant son intérêt, quitte à les réintégrer quand les circonstances ont changé. Il lui arrive de s'en débarrasser avec cruauté : le pape Martin Ier meurt en exil (655) ; le patriarche Callinique est aveuglé (706) ; un de ses successeurs, Constantin, est décapité (767).
Les relations religieuses de l'évêque de Constantinople avec ses pairs obéissent au bon vouloir du prince. Philippikos (711-713) et, plus tard, Nicéphore Ier (802-811) interdisent à leur patriarche d'envoyer ses lettres de communion au pape.
L'empereur n'épargne pas davantage le dogme. Il dispose, en vertu d'un droit coutumier, quasi canonique, de l'institution habilitée à formuler la foi : le concile. Il est juge de l'opportunité de le convoquer, il assure théoriquement la liberté des débats, il signe avec la majorité, il promulgue le décret final et en sanctionne l'observation, au titre de bras séculier. On remarquera qu'il ne se passe pourtant pas du corps épiscopal, même quand il s'attribue le titre de « basileus et prêtre » comme Constant II (641-668) ou Léon III (717-741). C'est qu'en fait il excelle à obtenir des majorités de contrainte, confond au besoin œcuménicité et « byzantinité », soumet des conciles universels à la censure de synodes locaux. Les exemples surabondent. Après les édits dogmatiques, de faible portée, de Justin II (567-571), Héraclius impose en 638 de croire à l'unicité de volonté dans l'Homme-Dieu, puis Constant II prescrit en 648 le silence sur la question. En 680-681, un concile réuni par Constantin IV proclame la dualité des volontés, mais cette décision conciliaire est cassée par un petit synode sous Philippikos. L'immixtion impériale change alors de domaine. En 730, Léon III proscrit les icônes. Son fils, Constantin V, élabore une théologie de l'aniconisme, entérinée bientôt par un synode plénier de l'épiscopat byzantin (754). Irène, en 787, fait abroger ces décisions par un concile œcuménique, cassé à son tour par un synode restreint sous Léon V (815), puis rétabli par Théodora en 843. Bref, l'empereur est maître, dans l'immédiat, de faire décréter par un épiscopat à sa dévotion ce qu'il faut tenir pour vérité. Mais dans l'immédiat seulement,[...]
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Écrit par
- Jean GOUILLARD : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
- Michel MESLIN : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur de l'Institut de recherches pour l'étude des religions
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