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CÉZANNE ET LES MAÎTRES. RÊVE D'ITALIE (exposition)

Le musée Marmottan Monet a accueilli à partir du 27 février 2020 une exposition inédite : Cézanne et les maîtres. Rêve d’Italie, dont le commissariat était assuré par Alain Tapié, conservateur en chef honoraire des musées de France, et par Marianne Mathieu, directrice scientifique du musée. Cette exposition, suspendue à deux reprises à cause de la crise sanitaire liée à la Covid-19, a été prolongée par la suite.

La générosité des prêteurs, quarante-trois collections privées et musées français et étrangers, a permis de réunir durant toute la durée de l’événement une soixantaine d’œuvres de grande qualité mettant en lumière la dette de Cézanne à l’égard de l’art italien et de Poussin, puis, dans la seconde partie du parcours, de montrer combien l’œuvre du maître d’Aix aura été déterminante pour les peintres italiens du premier xxe siècle, en particulier ceux du mouvement Novecento.

Cézanne, on le sait, n’est jamais allé en Italie, contrairement à nombre de ses contemporains, académiques ou impressionnistes. L’art italien, c’est donc dans les musées, le riche musée Granet d’Aix-en-Provence et le Louvre en particulier, voire dans les reproductions publiées dans des livres et des revues, qu’il le découvre. Son séjour à Paris s’explique non seulement par son amitié avec Zola mais aussi par son rêve d’être exposé dans le cadre officiel du Salon, ou au moins dans une nouvelle édition du fameux « Salon des refusés » de 1863, comme il le confiera au comte de Nieuwerkerke, surintendant des musées nationaux.

Le dialogue avec les maîtres

Il y a chez cet artiste singulier, parfois mal compris, que les mouvements fondateurs de l’art moderne revendiqueront comme un précurseur de la déconstruction de la forme, une relation profonde avec la tradition occidentale, de l’Antiquité à Poussin, qui se cristallise en effet dans un « rêve d’Italie » hanté par Titien, Greco et Tintoret, Ribera et le caravagisme napolitain, Nicolas Poussin enfin. C’est à ces sources et sur le motif que s’alimente sa conception des « formants », formes fondamentales et pérennes qu’il discerne et fait remonter dans ses propres œuvres.

« Dans ses œuvres de jeunesse, écrit Alain Tapié, Cézanne part à la recherche de la nature de l’art tandis que, dans celles de la maturité, il se consacre à l’art de la nature suggéré par les lieux de la Provence… » L’apport de Venise intervient dans les années 1870, période où les passions – le sexe et la peinture – qui agitent ce grand misanthrope sont particulièrement intenses. La Femme étranglée (1875-1876 ; Paris, musée d’Orsay), inspirée d’un fait divers, se lit ici comme un hommage obscène à la puissance chromatique et à la dramaturgie de Tintoret (La Descente de croix, 1580, Strasbourg, musée des Beaux-Arts), de même que La Préparation du banquet (1888-1890, Osaka, The National Museum of Art), version modernisée du Festin de 1867 (dit aussi L’Orgie), présenté en 1895 à la galerie Ambroise Vollard, évoque par sa composition dynamique La Cène du Vénitien (esquisse, 1566, Caen, musée des Beaux-Arts). En revanche, c’est la grâce longiligne du maniérisme de Greco, découvert alors par les amateurs français, que Cézanne interprètera dix ans plus tard dans La Femme à l’hermine, d’après Le Greco (1885-1886 ; Londres, collection privée), influence évoquée ici par un Portrait de jeune fille du maître de Tolède (collection privée).

Le foyer napolitain retient aussi son attention, surtout la production caravagesque, pleine des tensions du clair-obscur. La Toilette funéraire ou L’Autopsie (1869, Royaume-Uni, collection privée) se ressent bien de l’influence de Ribera, même si les rapprochements proposés entre certains portraits de Cézanne et les figures de Luca Giordano et du Maître de l’Annonce aux bergers (Prophète en[...]

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<em>Château-Noir</em>, P. Cézanne - crédits : Luisa Ricciarini/ Bridgeman Images

Château-Noir, P. Cézanne