CÉZANNE ET LES MAÎTRES. RÊVE D'ITALIE (exposition)
Refonder le classicisme
Mais c’est surtout Nicolas Poussin, le Français formé à Paris puis installé à Rome jusqu’à sa mort en 1665 (le séjour à Paris de 1640 à 1642 ne fut qu’une parenthèse), qui va, à travers son interprétation idéale d’une nature étudiée sur le motif, rendre visible à Cézanne ce qu’il y a d’art dans la splendeur des paysages méditerranéens. L’ambition du peintre d’Aix est dès lors de « faire du Poussin sur nature ». Déjà, la Pastorale de 1870 (Paris, musée d’Orsay), fantasmatique mélange de jeunes hommes vêtus et de femmes nues dans un paysage, procède, faute de modèles vivants, de l’étude de la sculpture antique et des pastorales de Poussin (Paysage avec Bacchus et Cérès, vers 1625-1628 ; Liverpool, National Museums, Walker Art Gallery). Plus tard, les paysages de la maturité, où la richesse de la couleur détermine la plénitude de la forme (La Montagne Sainte-Victoire, vers 1890, Paris musée d’Orsay, ou encore Château-Noir, 1905, Paris, musée Picasso), refléteront à nouveau la grande vision classique du maître romain et de ses émules, tel Francisque Millet (Paysage classique ; Marseille, musée des Beaux-Arts).« … J'ai voulu faire, dira Cézanne, de l'impressionnisme quelque chose de solide et de durable comme l'art des musées. »
Les peintres italiens du Novecento, comme Ardengo Soffici, Carlo Carrà, Mario Sironi, Umberto Boccioni, Giorgio Morandi ou Fausto Pirandello vont découvrir Cézanne à Paris lors de la rétrospective posthume organisée en 1907 au Grand Palais dans le cadre du Salon d’automne, ou bien en Italie, où il figure dès les années 1890 dans les collections de grands amateurs comme Egisto Paolo Fabbri et Charles Loeser. En rupture avec la tradition de la peinture d’histoire, ils voient en lui un peintre de la permanence, que la simplicité de ses motifs situe dans la lignée des primitifs. Les rapprochements proposés dans l’exposition étaient parfaitement justifiés, notamment pour les paysages : ainsi entre La Route tournante en haut du chemin des Lauves (1904-1906, Riehen-Bâle, Fondation Beyeler) de Cézanne et La Route d’Ardengo Soffici (1911, collection privée Marina Poggi). Les baigneurs et baigneuses de Cézanne trouvent aussi des échos chez Morandi et Pirandello, de même que ses portraits chez Sironi et Boccioni, mais le plus frappant est que le silence métaphysique qui émane des natures mortes de Morandi semble avoir pris sa source dans celles du maître d’Aix…
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
Classification
Média