CFDT (Confédération française démocratique du travail)
La radicalisation et le recentrage
Réformiste ou révolutionnaire ? Après l'épopée de Mai-68, la C.F.D.T. hésite entre les deux virtualités de sa modernité. Elle invite à voter pour Alain Poher au second tour de l'élection présidentielle de 1969. Elle est sensible aux vertus de la nouvelle société que Jacques Chaban-Delmas promeut avec les conseils de Jacques Delors, un ancien militant de la C.F.D.T. des banques, et plusieurs fédérations de l'E.D.F., de la S.N.C.F., de la fonction publique signent des contrats de progrès. Localement, la C.F.D.T. s'illustre par des actions énergiques à Cholet, Sochaux, Dunkerque. Le XXXVe congrès, en 1970, proclame l'entrée officielle de la C.F.D.T. dans le courant socialiste, mais il y accole l'adjectif autogestionnaire. Les assises d'Issy-les-Moulineaux manifestent la radicalisation de l'organisation. Paul Vignaux parle de « gauchissement ». La majorité qui s'est affirmée recouvre des projets différents. À côté des partisans de la lutte des classes au service d'un socialisme démocratique, on trouve des « régulationnistes » qui rêvent d'une république industrielle. Dans l'enthousiasme du congrès de 1970, une réforme des statuts est votée, qui accorde une grande autonomie à la commission exécutive et dont les effets se feront sentir progressivement.
Pour l'heure, l'unité d'action avec la C.G.T. est relancée. Edmond Maire succède à Eugène Descamps en septembre 1971 et le nouveau secrétaire général confirme l'alliance privilégiée, tout en accentuant l'originalité des options de sa propre centrale en matière d'égalité entre hommes et femmes, de réduction de la hiérarchie des salaires, de défense de l'environnement. La C.F.D.T. refuse de couper les ponts avec les gauchistes et de s'inscrire complètement dans la problématique du Programme commun signé en 1972.
En 1973, le secrétaire général commence à trouver la présence des gauchistes trop envahissante et il dénonce, lors du XXXVIe congrès, leur volontarisme minoritaire. Il prône le réalisme et s'il accorde son aide à la lutte chez Lip, c'est à la fois pour embarrasser la C.G.T. et pour amorcer une pratique de contre-proposition industrielle qui requiert d'abord l'intervention des experts et non la mobilisation des travailleurs. Après le bon score de François Mitterrand lors de l'élection présidentielle de 1974, la C.F.D.T. participe à l'opération des Assises du socialisme, qui vise à confirmer le rééquilibrage de la gauche en faveur des socialistes et, à l'intérieur du Parti socialiste, en faveur du courant autogestionnaire.
Le remplacement de Jacques Chirac par Raymond Barre, qui se propose de répondre à la crise économique par des mesures d'inspiration libérale, redonne du champ à l'unité d'action C.G.T.-C.F.D.T. Edmond Maire veille à garder les mains libres. Il obtient du congrès de 1976 une condamnation sans appel des gauchistes. Il amorce une analyse modérantiste de la crise. Lorsque la désunion de la gauche éclate, il proclame avec célérité et vigueur la nécessité du « recentrage ». Ceux qui avaient contesté les réserves de la direction à l'égard du Programme commun sont sommés de reconnaître leur erreur : la « gauche syndicale » est défaite.
Le recentrage, qui sera appelé par la suite la resyndicalisation, vise à corriger le trop fort assujettissement de l'action syndicale aux échéances électorales. La reprise du dialogue avec le C.N.P.F. et le gouvernement s'accompagne aussi de la proclamation du réalisme, de la supériorité du contractuel sur le législatif, de l'insistance sur les contraintes extérieures. Le congrès de Brest, en 1979, adopte le nouveau cours, non sans résistance interne qui se traduira par le refus en juillet 1980 d'un accord sur la réduction du temps de travail[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- René MOURIAUX : docteur en science politique, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques
Classification
Média
Autres références
-
BOULADOUX MAURICE (1907-1977)
- Écrit par André JEANSON
- 942 mots
Maurice Bouladoux est né à Parthenay (Deux-Sèvres). Il a quinze ans quand commence pour lui la vie de travail : il est aide-comptable dans une entreprise de textile. Mais il est attiré par l'action militante du syndicalisme. Aussi est-il, en 1929, l'un des fondateurs de la Jeunesse syndicaliste...
-
CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens)
- Écrit par René MOURIAUX
- 2 640 mots
...membre actif de la minorité, accède au secrétariat général et, en 1964, un congrès extraordinaire modifie les statuts et le sigle de la confédération. Une majorité de 70 p. 100 des mandats « déconfessionnalise » la C.F.T.C. et la transforme en Confédération française démocratique du travail.... -
CGT-FO (Confédération générale du travail-Force ouvrière)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et René MOURIAUX
- 1 828 mots
- 1 média
...apparurent après la fin de la guerre d'Algérie, lorsque la logique de la bipolarisation imposa le rapprochement du Parti socialiste et du P.C.F. L'apparition de la C.F.D.T., qui combinait l'unité d'action avec la C.G.T. et la recherche d'une voie originale avec la planification démocratique et l'autogestion,... -
FRANCE - L'année politique 1996
- Écrit par Serge SUR
- 3 966 mots
- 1 média
...d'un retour à des sources revendicatives vigoureuses. Le syndicat en paie le prix avec son éviction de la direction de l'U.N.E.D.I.C. au profit de la C.F.D.T. qui, sous la ferme houlette de Nicole Notat, s'engage dans une négociation plus conciliante à l'égard du gouvernement. Cette évolution réformatrice... - Afficher les 12 références