CHACO
La population indienne
Malgré cet environnement peu favorable, le Chaco n'était pas vide d'hommes aux temps précolombiens. De petites bandes nomades savaient tirer parti de ressources plus importantes qu'il ne paraît : le poisson est abondant aux périodes de crue, la faune nombreuse dans la brousse, et la végétation sauvage offre de grandes variétés de fruits, gousses, racines et céréales comestibles. Une agriculture rudimentaire et intermittente était même pratiquée par certains groupes. Selon la localisation des tribus, des différences notables existaient entre les organisations sociales et économiques. Au pied des Andes, des communautés plus sédentaires, originaires de la forêt tropicale, se trouvaient sous l'influence des sociétés des hauts plateaux et leur culture, métissée, se distinguait nettement de celles de la plaine centrale. Néanmoins, l'ensemble du Chaco indigène est considéré comme une aire culturelle assez homogène, caractérisée en gros par une économie de prédation et le nomadisme de bandes autonomes.
On ne peut que faire des hypothèses sur les plus anciennes cultures du Chaco. L'archéologie de la région en est à ses débuts et les renseignements que nous possédons ne sont pas antérieurs au xvie siècle. À cette époque, le Chaco, loin d'être une zone isolée, était en contact avec les Andes, la forêt tropicale et la Pampa grâce aux échanges commerciaux et aux mouvements de population. Mais les conditions écologiques particulières de la plaine, imposant une grande mobilité et une faible densité aux groupes humains, empêchaient que les organisations sociales et religieuses des régions limitrophes y fussent reproduites. Les populations du Chaco devaient utiliser plutôt qu'aménager le milieu naturel. Les influences extérieures s'y manifestèrent donc plus dans la circulation des objets et l'imitation de certaines techniques que dans les institutions. On peut citer le tissage sur métier, la vannerie, le jardinage parmi les principales techniques importées. Originellement, les sociétés du Chaco devaient être peu différenciées, les liens de parenté constituant l'ossature des groupes sociaux. Après l'introduction du cheval par les Espagnols, une profonde transformation intervint dans le genre de vie et l'organisation des tribus qui l'adoptèrent. Dès lors, grâce à l'accroissement de leur mobilité, celles-ci intensifièrent les raids chez leurs voisins et chez les Européens et développèrent une stratification sociale au profit d'une catégorie de guerriers et d'une aristocratie qui en était issue. Ainsi, au xviie siècle, une distinction très nette s'établissait entre « Indiens à pied » et « Indiens équestres ». Les premiers, appartenant à diverses familles linguistiques (Zamuco au nord-est, Mataco au centre, Lule-Vilela à l'ouest et Mascoi le long du Pilcomayo), conservaient l'ancienne organisation démocratique des petites bandes vivant au rythme des deux saisons, sèche et humide. La composition et la dimension des bandes variaient selon le calendrier de la pêche, de la chasse et de la cueillette. Aux périodes d'inondation et d'abondance de poisson, la concentration de la population était à son maximum le long des rivières ; pendant l'hiver austral, le groupe se fractionnait en très petites unités, probablement familiales, partant en quête d'une nourriture plus rare. Aux rassemblements de l'été correspondait l'époque des cérémonies collectives, de la résidence matrilocale en familles étendues et de l'autorité, faible d'ailleurs, de chefs politiques non héréditaires.
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Écrit par
- Simone DREYFUS-GAMELON : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, responsable de l'équipe de recherche en ethnologie sud-amérindienne associée au C.N.R.S.
- Romain GAIGNARD : maître assistant des facultés des lettres et sciences humaines, professeur à l'université nationale de Cuyo-Mendoza, Argentine
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Médias
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