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CHAGRIN D'ÉCOLE (D. Pennac)

Souvent, la naissance d'un récit trouve son origine dans la vie quotidienne. Daniel Pennac, auteur, narrateur et héros éprouvé de Chagrin d'école (Gallimard, Paris, 2007), ouvrage à forte teneur autobiographique, rapporte qu'un jour sa mère centenaire regarda à la télévision un documentaire sur l'écrivain qu'il est aujourd'hui. Or elle ne parvenait pas à croire à la « réussite » de ce fils de famille de bourgeoisie militaire. S'en sort-il ? se demandait-elle. Mauvais élève, le narrateur fut un enfant « précaire », sa mère ne s'en est jamais tout à fait remise. Plus tard, après cet événement et à la faveur d'une balade champêtre en compagnie d'un frère proche, Daniel Pennac confie son nouveau projet d'écriture, qui ne sera pas un livre de plus sur l'école, ses programmes et ses changements. Il s'agira plutôt de dire une permanence, celle de « la douleur partagée du cancre, des parents et des professeurs, l'interaction de ces chagrins d'école ». L'auteur revient alors à sa table de travail pour disséquer ce qu'« être mauvais élève » veut dire.

Le cancre est comparé à une sorte d'écrevisse pesante et lourde qui, au lieu d'avancer, marche à reculons. On ne saurait expliquer ni la paresse, ni les mauvaises dispositions du cancre Pennac pour l'école. Entouré, choyé et aimé, le narrateur ne voit pas de cause tangible à cette impossibilité de remplir correctement son rôle d'élève, si ce n'est qu'il est tombé dans la poubelle municipale de Djibouti à l'âge de six ans ! Voilà Chagrin d'école, suite autobiographique à la fois plus large, plus concrète et plus approfondie de Comme un roman, un ouvrage qui traitait à son heure (1992) de la lecture et des possibles stratégies d'engouement en la matière. Chagrin d'école n'a de sens que si les souvenirs rapportés du dépit scolaire se portent à l'universalité de la condition d'élève, de parent, de professeur, et de la personne enseignée que nous avons tous été un jour ou l'autre.

Les peines de cœur, à la reviviscence intermittente, relèvent de « ces chagrins d'enfance qui laissent dans l'homme une teinte de sauvagerie difficile à effacer durant le reste de sa vie », selon Vigny (Journal d'un poète). Quelle est la cause d'un tel chagrin, capable de s'étirer dans le temps ? Daniel Pennacchioni – il n'est pas encore enseignant ni romancier – « ne capte ni n'imprime » en classe : tout le monde comprend plus vite que lui. D'où le déplaisir, la contrariété, la déception, le mécontentement, le regret, le remords, ressentis non seulement par la « victime » de ce tourment mais aussi par son entourage immédiat et en particulier sa mère, qui éprouve un sentiment d'impuissance coupable. Pennac a ressenti ce désagrément inquiet, le cœur gonflé de chagrin en tant qu'élève puis en tant qu'enseignant, lorsqu'il est passé du côté des parents et des autres collègues professeurs – face à l'élève.

À l'image de ses épreuves et déroutes passées, celui qui a été enseignant pendant de longues années note que les élèves en difficulté sont la proie d'une perte de confiance en soi, d'un renoncement à tout effort et d'une incapacité de concentration. Mais « à quel moment l'adolescent le plus rétif atterrit-il sur le terrain de la réalité sociale ? » Nul ne le sait. Certains « rescapés » s'en sortent grâce à des rencontres heureuses dans l'institution scolaire avec tel ou tel professeur. Ainsi, au-delà de la peur, de la honte, de la solitude et du désir de fuite douloureux qu'il détecte par la suite chez ses propres élèves, en écrivant, Pennac fait œuvre de rachat et de salut.

« Pour qu'ils aient une[...]

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